Thai Prime Minister Anutin Charnvirakul delivers his keynote speech during the International Conference on the Global Partnership against Online Scams in Bangkok, Thailand, on Wednesday, Dec. 17, 2025. (AP Photo/Anton L. Delgado)
Une conférence internationale organisée à Bangkok cette semaine visait à lancer une initiative mondiale contre les arnaques en ligne, un phénomène qui coûte des dizaines de milliards de dollars chaque année. L’accord signé par plusieurs pays (Thaïlande, Bangladesh, Népal, Pérou, Émirats arabes unis) prévoit une coopération renforcée en matière de police, protection des victimes, sensibilisation du public et collaboration transfrontalière. Avec le soutien d’acteurs privés comme Meta et TikTok, l’objectif est de créer un front commun pour endiguer les réseaux criminels transnationaux et restaurer la confiance des consommateurs dans les plateformes numériques.
Le baht thaïlandais pourrait être l’une des victimes de ces réseaux. Deuxième devise la plus performante d’Asie en 2025, il s’est apprécié de plus de 9 % face au dollar depuis janvier. Une progression qui, loin de réjouir les autorités, alimente les inquiétudes sur la santé de l’économie nationale. Derrière cette envolée se cache un afflux massif de capitaux, pas toujours licites, liés notamment au commerce de l’or et aux flux financiers opaques qui traversent la région.
Lors du forum, le gouverneur de la Banque de Thaïlande, Vitai Ratanakorn, a reconnu que les transactions d’or représentaient parfois « la moitié des flux poussant le baht à la hausse ». Sur certaines journées, la valeur des échanges réalisés via les applications numériques de 15 grands négociants locaux équivaut à près de 50 % du PIB du pays. Une concentration jugée « préoccupante », car elle expose l’ensemble de l’économie à des mouvements spéculatifs incontrôlés.
Le problème est aggravé par l’absence de régulation spécifique : la loi sur les changes ne couvre pas le commerce de l’or. Le gouverneur appelle désormais le ministère des Finances à encadrer ce secteur, tout en refusant d’imposer une taxe sur les transactions, mesure jugée trop brutale par les acteurs du marché.
Cette flambée du baht complique la reprise économique. Les exportateurs, déjà fragilisés par les droits de douane américains et une dette des ménages élevée, voient leurs produits perdre en compétitivité. Le pays reste englué dans une croissance molle : 2,2 % attendus cette année, 1,5 % en 2026, contre 2,5 % en 2024.
Pour limiter les dégâts, la Banque centrale a abaissé son taux directeur à 1,25 %, un plus bas depuis trois ans, et n’exclut pas une nouvelle réduction en février. Mais Vitai prévient : « Il ne reste plus beaucoup de munitions », rappelant que des taux trop bas pénaliseraient l’épargne sans relancer l’investissement.
Face aux flux suspects, Bangkok envisage aussi d’adopter la « travel rule », norme internationale qui impose aux institutions financières de tracer les transferts transfrontaliers afin de lutter contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Une manière de reprendre la main sur des capitaux qui, en gonflant artificiellement la devise, menacent la stabilité économique.
Entre afflux spéculatifs, or numérique et capitaux douteux, le baht fort apparaît moins comme un signe de vitalité que comme un symptôme d’un système fragilisé.



