
BANGKOK – Alors que 2025 s’achève, l’analyste politique Thitinan Pongsudhirak, chercheur à l’Institut d’études de sécurité et internationales de l’université Chulalongkorn, dresse un constat sévère : une nouvelle année perdue pour la vie politique thaïlandaise.
Selon lui, l’élection anticipée prévue le 8 février 2026 illustre la fragilité chronique du système. Après trois Premiers ministres en trois ans – Srettha Thavisin, Paetongtarn Shinawatra et désormais Anutin Charnvirakul – la Thaïlande reste engluée dans l’instabilité, incapable de bâtir une continuité politique et donc d’élaborer des stratégies de progrès.
Le gouvernement minoritaire d’Anutin, parti Bhumjaithai, a évité de justesse une motion de censure. Mais son incapacité à gérer les inondations meurtrières dans le Sud, ainsi que les scandales liés aux centres d’arnaques, a mis en lumière ses faiblesses. Pour Thitinan, Anutin cherche désormais à capitaliser sur le nationalisme et le royalisme, notamment à travers la guerre contre le Cambodge et des apparitions publiques aux côtés de la monarchie, afin de renforcer sa popularité.
L’auteur souligne que les agences de contrôle – Cour constitutionnelle, Commission électorale, Commission anticorruption – ont souvent dissous des partis ou sanctionné des opposants, mais n’ont pas inquiété le clan conservateur dont fait partie Anutin. Ce biais institutionnel lui confère un avantage certain, comparable à celui dont bénéficiait le général Prayut après le coup d’État de 2014.
Pour Thitinan, l’élection à venir s’annonce comme une course à trois entre Bhumjaithai, Pheu Thai et le People’s Party. Si ce dernier parvient à mobiliser les mêmes aspirations réformatrices qu’en 2023, il pourrait surprendre malgré les sondages défavorables. Mais un tel scénario risquerait de déboucher sur de nouvelles tensions post‑électorales, comme celles qui avaient empêché Move Forward de gouverner en 2023. Le parti serait immanquablement dissous à terme et ses chefs bannis de toute vie politique. Dans ce contexte où la liberté d’expression n’est pas garantie, le Parti du peuple aurait presque intérêt à perdre les élections pour pouvoir continuer à se faire entendre.
Au‑delà des calculs politiques, l’économiste rappelle que la croissance reste atone, sous les 2 %, conséquence directe de l’instabilité et de l’inaction dans les secteurs qui demandent des décisions fortes, comme l’éducation. Sans compromis ni réforme institutionnelle, la Thaïlande s’enfonce dans la stagnation.
En conclusion, Thitinan estime qu’un scrutin libre et équitable, sans manipulations comme en 2023, pourrait offrir un mandat clair et relancer l’économie. Mais il prévient : si les blocages persistent, 2025 et même 2026 resteront des années de plus gâchées par les luttes de pouvoir et l’absence de vision politique.
Malheureusement, on constate ici une similitude avec un certain pays européen qui voit les « années inutiles » se suivre.
Enfin, Thitinan omet de mentionner le calvaire de Thaksin Shinawatra, incarcéré et dont l’influence sur la vie politique thaïlandaise s’amenuise. Abstraction faite de toute opinion sur l’homme, force est de constater qu’au pouvoir, il incarnait une certaine force de progrès.



