
Le Premier ministre thaïlandais Anutin Charnvirakul est sous pression. Avant que le sud du pays ne soit frappé par des inondations meurtrières la semaine dernière, il avait déjà laissé entendre qu’il pourrait dissoudre le Parlement dès la mi-décembre, soit plus tôt que la date initialement annoncée de fin janvier 2026. Une décision motivée par la menace d’une motion de censure contre son gouvernement minoritaire.
Si le monde des affaires ne s’inquiète pas outre mesure d’une dissolution anticipée, il redoute en revanche un scénario de blocage politique. Le précédent scrutin avait retardé l’adoption du budget, freinant la relance économique. Plusieurs dirigeants d’entreprise appellent donc l’exécutif à accélérer les mesures de soutien avant de quitter ses fonctions, afin d’éviter un vide politique.
Les inondations dans la région de Hat Yai ajoutent une dimension dramatique. Selon Kiatanantha Lounkaew, économiste à l’université Thammasat, la catastrophe a ébranlé la crédibilité du gouvernement. Anutin prendrait un risque en dissolvant l’Assemblée maintenant, alors que la colère populaire est encore vive contre le gouvernement incapable de gérer les conséquences des inondations récentes.
Reporter la dissolution pourrait rouvrir des blessures politiques, mais l’avancer limiterait la capacité de l’exécutif à agir, réduit au rôle de gouvernement intérimaire. Pour Kiatanantha, Anutin doit proposer un plan économique ambitieux, porté par des ministres compétents, et non se contenter de programmes ponctuels comme le dispositif de co‑paiement « Khon La Khrueng Plus », jugé inefficace à long terme.
Le secteur privé partage ces inquiétudes. Poonyawat Sreesing, économiste à la Siam Commercial Bank, estime que l’impact sur la croissance resterait limité si un nouveau cabinet est rapidement formé. Mais un retard, comme en 2023, pourrait repousser l’adoption du budget 2026 et faire grimper la dette publique au‑delà du seuil de 70 % du PIB. La société Asia Plus Securities alerte même sur un risque de récession technique au dernier trimestre 2025 si les projets de relance sont gelés.
Les petites et moyennes entreprises, qui représentent 99 % des opérateurs économiques du pays, demandent la poursuite des aides. Noppong Teeravorn, président de la fédération des PME, soutient une deuxième phase du programme de co‑paiement, vital pour stimuler la consommation. Mais il prévient : un blocage politique prolongé minerait la confiance des ménages et des investisseurs.
Pour Tanit Sorat, vice‑président de la confédération patronale, les mesures de soutien aux victimes des inondations et aux entreprises sinistrées seront cruciales pour l’image du gouvernement. Il regrette toutefois que ces politiques soient motivées avant tout par des calculs électoraux.
À quelques semaines d’un scrutin anticipé, Anutin joue donc une partie délicate : convaincre qu’il peut gérer à la fois une crise naturelle et une transition politique sans plonger l’économie dans l’incertitude.



