
Les nouvelles du front ne laissent aucun répit. Mardi soir, les forces thaïlandaises ont annoncé avoir entièrement repris le secteur de Chan An Ma, où elles ont hissé le drapeau national après avoir sécurisé le monument Ta Om et le marché voisin. Mais la victoire a été de courte durée : à 21h02, deux soldats thaïlandais ont été tués lors d’un nouvel assaut sur la colline 350, un point stratégique disputé depuis plusieurs jours. Leurs corps n’ont pas encore pu être récupérés, les combats se poursuivant sans interruption. Avec ces deux morts supplémentaires, le bilan côté thaïlandais atteint désormais 19 soldats tués depuis le début de la reprise des hostilités le 7 décembre. Du côté cambodgien qui ne publie jamais de bilan, on pourrait déplorer entre 200 et 500 morts selon l’armée thaïlandaise.
Sur l’ensemble de la frontière longue de 817 km, la situation reste explosive. Des affrontements ont été signalés dans huit provinces, des zones forestières proches du Laos jusqu’aux régions côtières. Les autorités thaïlandaises parlent d’une intensité « sans précédent » dans l’histoire récente du conflit. Au total, près de 40 morts civils ont été recensés et plus d’un demi‑million de civils ont été déplacés.
6 000 Thaïlandais bloqués à Poipet
À Poipet, côté cambodgien, entre 5 000 et 6 000 travailleurs thaïlandais se retrouvent coincés depuis la fermeture du poste-frontière. Phnom Penh affirme vouloir protéger les civils des frappes thaïlandaises, tout en rappelant que les passages situés hors des zones de combat restent ouverts et que les liaisons aériennes ne sont pas affectées. Bangkok a demandé à ses ressortissants de contacter le consulat de Siem Reap pour organiser leur retour.
Cette mauvaise volonté de Hun Sen, responsable de cette décision, ressemble à une réponde à la Thaïlande qui a unilatéralement fermé la frontière en juillet.
Bangkok contre-attaque diplomatiquement
Sur la scène internationale, la Thaïlande a vivement réagi aux accusations cambodgiennes formulées lors de réunions à l’ONU. Dans un communiqué publié le 15 décembre, la mission thaïlandaise a dénoncé de « fausses narrations » et reproché au Cambodge d’avoir porté le différend frontalier dans des forums multilatéraux sans lien direct avec la région.
La représentante thaïlandaise, Rachada Suthepakul, a affirmé que les attaques cambodgiennes avaient provoqué des pertes civiles et paralysé des infrastructures essentielles : plus de 400 000 évacués, près de 200 centres de santé fermés, et 400 écoles contraintes d’interrompre les cours. Bangkok invoque son droit à l’autodéfense au titre de l’article 51 de la Charte de l’ONU.
La Thaïlande souligne également que la recrudescence des violences est intervenue peu après deux événements sensibles : la présentation à Genève de preuves concernant l’installation de nouvelles mines antipersonnel PMN‑2 en territoire thaïlandais, et la saisie d’actifs de plusieurs milliards de dollars appartenant à des ressortissants cambodgiens liés à des réseaux d’arnaques en ligne.
Anutin sous pression, mais inflexible
Sur le plan intérieur, le Premier ministre par intérim Anutin Charnvirakul rejette les accusations selon lesquelles son parti exploiterait le conflit pour renforcer sa position avant les élections de février. « Je ne risquerai jamais la souveraineté du pays pour des gains politiques », a-t-il assuré. Pourtant, plusieurs analystes estiment qu’il privilégie une ligne dure, exigeant que Phnom Penh cesse le feu en premier, ce qui retarde toute perspective de désescalade.
Anutin a également balayé les appels à la retenue venus des États-Unis, de la Chine et de la Malaisie, renvoyant Washington à demander d’abord au Cambodge de stopper ses tirs.
Une médiation régionale encore repoussée
La réunion spéciale des ministres des Affaires étrangères de l’Asean, initialement prévue le 16 décembre, a été reportée au 22 décembre à la demande de Bangkok. La Thaïlande y présentera trois conditions pour un cessez‑le‑feu : que le Cambodge l’annonce en premier, qu’il soit durable et vérifiable, et qu’il s’accompagne d’un engagement clair sur le déminage des zones frontalières.
L’ASEAN avait été créée au 20e siècle pour mettre fin à toutes les guerres entre pays de la région.



