Le parti Move Forward a déclaré vendredi que les partenaires potentiels de la coalition n’avaient pas besoin de soutenir sa position controversée sur la modification de la loi sur lèse majesté, car il cherche à gagner le soutien d’autres partis pour former un gouvernement, selon Reuters.
Move Forward, dirigé par Pita Limjaroenrat, a remporté plus de sièges que tout autre parti à la chambre basse lors des élections de cette semaine, profitant d’une vague de soutien des jeunes à des politiques telles que l’élimination des monopoles et la modification de la terrible loi sur lèse-majesté (article 112) .
« Si les partis sont d’accord avec nous sur le 112, alors nous sommes prêts à l’inclure dans l’accord, mais ce n’est pas une condition pour rejoindre le gouvernement », a déclaré Sirikanya Tansakul, du parti Move Forward, lors d’un talk-show, ajoutant que le parti déposerait l’amendement au parlement de manière indépendante, sans embarquer la coalition.
La loi sur lèse-majesté prévoit une peine pouvant aller jusqu’à 15 ans de prison par prise de parole ou par message électronique perçu contre la monarchie. Les opposants disent que la loi est utilisée pour étouffer la dissidence et appliquée de manière totalement arbitraire. Move Forward veut modifier la loi pour réduire les peines de prison et limiter les plaignants au seul Bureau du Palais.
Les pourparlers de la coalition de huit, neuf voire dix partis ont, jusqu’à présent, permis de rassembler environ 313 voix au parlement de 750 sièges (500 députés, 250 sénateurs) mais c’est insuffisant pour que Pita soit élu premier ministre.
La troisième place aux élections est revenue au parti Bhumjaithai, qui commande un bloc électoral charnière. Son chef, Anutin, a déclaré qu’il ne soutiendrait aucun premier ministre qui modifierait la loi de lèse-majesté.
Les analystes affirment que ne pas forcer les autres partis à adopter sa position sur la lèse-majesté pourrait aider MF à attirer des voix supplémentaires au parlement. « Ils se sont considérablement calmés sur cette question », a déclaré le politologue Wanwichit Boonprong de l’Université de Rangsit.
Un autre sujet de division est la dépénalisation partielle du cannabis, dont l’utilisation a été libéralisée l’année dernière sans réglementation de remplacement, entraînant l’utilisation récréative qui a provoqué la colère de certains.
Move Forward affirme qu’il recriminalisera la ganja avant de déployer un cadre juridique permettant une utilisation médicale du cannabis et éventuellement une utilisation récréative fermement réglementée. Il est possible que la nouvelle majorité interdise tout simplement l’usage récréatif.
Lors des discussions sur la plateforme programmatique, les partis éludent la loi 112 mais se concentrent sur la répartition des portefeuilles.
Vendredi soir la coalition avait cette allure
MFP = 152
Pheu Thai = 141
Prachachart = 9
Thai Sang Thai = 6
Pheu Thai Ruam Palang = 2
Chart Pattana Kla = 2
Seri Ruam Thai = 1
Fair Party = 1
Palang Sangkhom Mai = 1
New Party = 1
Soit 316 mais ce samedi matin, on est redescendu à 314.
En effet, lorsque les militants MF ont vu que le parti CP KLA était à bord, Internet a pris feu.
Le leader de Move Forward, Pita, s’est excusé vendredi soir après que le parti a été sévèrement critiqué par ses partisans pour avoir inclus Chart Pattana Kla dans la coalition. MFP affirme que ce parti ne fait plus partie de la coalition ce samedi. Le chef du parti Pattana Kla, Korn Chatikavanij, était un haut responsable du Parti démocrate et une figure éminente du mouvement People’s Democratic Reform Committee (PDRC) qui a appelé à une intervention militaire avant le coup d’État de mai 2014.
Malgré son passé sulfureux, Korn est le chéri des médias anglophones et francophones car il présente bien, parle un excellent anglais et a été éduqué à l’étranger, ce qui ne l’a pas empêché d’appeler au coup d’état militaire.
On note que les électeurs MF et PT ne pardonneront jamais aux putschistes, ni à ceux qui les ont rejoints, ni à ceux qui ont appelé à agir. On comprend en creux qu’un nouveau coup d’état militaire ne sera pas accueilli à bras ouverts.
A ce jour, certains sénateurs et députés hors-coalition pourraient voter pour Pita afin qu’il devienne premier ministre. Mais, outre le fait que ces parlementaires seront peut-être en nombre insuffisant, Pita a une autre épée de Damoclès au dessus de la tête. Ces accusations qui selon les juristes n’auraient aucune chance d’aboutir dans un pays où la justice serait indépendante sont détaillées ici.
L’erreur de MF est de n’avoir désigné qu’un seul candidat au poste de premier ministre alors que les partis pouvaient en présenté 3. Les listes de candidats devaient être déposées avant les élections. Ainsi, dans le cas où Pita soit invalidé, le MF n’a plus de candidat au poste de premier ministre et c’est le Pheu Thai qui proposera les siens (la fille de Thaksin et Thavisin).
Cette solution arrangerait beaucoup de monde. Thaksin, dont l’attitude est de plus en gênante et des partis comme Bumjaithai qui, sans faire partie de la coalition, pourraient voter pour un premier ministre PT, de même que les sénateurs.
Mais les dirigeants du PT sont prudents. Ils comprennent que ce serait un cadeau empoisonné. Surtout si Thaksin rentre en juillet tel un éléphant dans un magasin de porcelaine, rien de tel pour réveiller les royalistes radicalisés et rouvrir les plaies.
