
Trois ans après avoir dépénalisé le cannabis, la Thaïlande amorce un tournant majeur en restreignant drastiquement son usage. Désormais, seule une consommation strictement médicale sera autorisée, sur présentation d’une ordonnance émise par des praticiens certifiés. Cette nouvelle réglementation, promulguée par le ministre de la Santé publique Somsak Thepsuthin, interdit la vente, l’exportation et la transformation des fleurs de cannabis en dehors du cadre de la médecine traditionnelle. La vente en ligne, la publicité commerciale, la consommation sur place ou dans des lieux publics (temples, parcs, dortoirs, etc.) sont également proscrites.
Cette politique vise à répondre à l’essor incontrôlé du marché depuis 2022 : plus de 10 000 « dispensaires », souvent des coffee-shops, ont émergé sans encadrement légal strict, générant une économie parallèle alimentée par l’afflux touristique, la demande locale et des trafics internationaux croissants. Le gouvernement avance une explosion de la consommation chez les jeunes et un marché noir de plus en plus actif pour justifier ce durcissement. Les saisies récentes dans les aéroports et les dépassements récurrents du taux légal de THC (0,2 %) ont alimenté les inquiétudes.
Cependant, cette volte-face suscite de fortes critiques. Des figures comme Prasitchai Nunual (Cannabis Future Network) dénoncent une stratégie guidée par des enjeux politiques et commerciaux. Selon lui, les mesures actuelles favorisent les grandes entreprises liées au parti Pheu Thai, au détriment des petits producteurs et entrepreneurs. Il accuse Somsak d’avoir torpillé un précédent projet de loi plus équilibré et de créer un monopole légal. Les données officielles concernant l’augmentation de la consommation chez les jeunes seraient selon lui exagérées, et les risques sanitaires doivent être abordés par des politiques ciblées, non par des restrictions généralisées.
Le parti Bhumjaithai, à l’origine de la légalisation, plaide pour une loi claire et équilibrée, pointant les lacunes actuelles dans la régulation. Son représentant, Supachai Jaisamut, reproche au ministère de la Santé son laxisme face aux commerces illégaux et son inertie législative. En réponse, le Pheu Thai, par la voix de Rinthipond Varinvatchararoj, défend une approche médicale stricte et accuse le BJT d’avoir favorisé le chaos initial. Elle insiste sur la nécessité de combler le vide juridique laissé par l’administration précédente.
Ainsi, la Thaïlande se dirige vers un encadrement médical rigoureux du cannabis, dans un contexte tendu entre enjeux de santé, rivalités politiques et désillusions économiques.