
À l’approche de la Journée internationale des migrants, les témoignages qui remontent de Thaïlande dressent un tableau sombre. Entre guerre, bureaucratie et montée de la xénophobie, des centaines de milliers de travailleurs venus du Myanmar, du Laos, du Cambodge ou du Vietnam vivent dans une précarité croissante.
Parmi eux, un ancien membre de la Ligue nationale pour la démocratie, réfugié depuis le coup d’État de 2021 au Myanmar. Arrivé avec sa famille en pensant ne rester que quelques mois, il vit désormais en Thaïlande depuis quatre ans. Malgré les 17 000 bahts versés à une agence pour s’enregistrer, aucune usine ne l’a embauché. « On nous trouve trop vieux », souffle-t-il. Seul leur enfant adulte a pu décrocher un emploi.
Une génération née en Thaïlande, mais sans pays
Le cas de Yim, 23 ans, illustre un autre angle mort du système : les enfants nés en Thaïlande de parents migrants, mais jamais enregistrés. Sans acte de naissance, impossible d’obtenir la nationalité. Diplômée en logistique, elle enchaîne aujourd’hui les petits boulots après avoir perdu son poste dans une ONG. « Sans papiers, personne ne veut m’embaucher », résume-t-elle.
Nunu, 17 ans, vit la même situation. Pour financer sa scolarité, elle travaille dans une plantation de maïs. « Si j’arrête l’école, je serai condamnée aux emplois les plus mal payés », dit-elle. Kin, lui, a fui le Myanmar il y a un an. Entre barrière linguistique et choc culturel, il ne sait même plus s’il doit poursuivre ses études.
Procédures kafkaïennes et exploitation
La Thaïlande compte plus de quatre millions de travailleurs migrants, dont environ un million sans papiers. En cause : des démarches d’enregistrement jugées interminables, dépendantes d’accords bilatéraux et, pour les ressortissants du Myanmar, de l’aval de la junte. Beaucoup craignent désormais de se signaler aux autorités de leur pays.
Résultat : sans permis de travail, pas de protection sociale, pas de compte bancaire, pas de carte SIM. Et une vulnérabilité accrue face aux employeurs et aux agences privées. Certaines facturent des frais exorbitants, d’autres fournissent de faux documents. À Chon Buri, 14 travailleurs du Myanmar ont ainsi été arrêtés après avoir découvert que leurs permis « renouvelés » étaient des faux.
Un climat politique qui se durcit
Les ONG alertent : la montée des tensions à la frontière thaïlando-cambodgienne et l’approche des élections alimentent un discours nationaliste. Les contrôles se multiplient, les protections reculent. Le Mekong Migration Network appelle à des réformes urgentes : simplifier les démarches, garantir l’accès à la Sécurité sociale, reconnaître la contribution économique de ces travailleurs souvent installés depuis des décennies et qui « font tourner » le royaume.
En attendant, des milliers de familles restent coincées dans un no man’s land administratif, sans statut clair et sans perspective. Une crise silencieuse, mais qui s’aggrave chaque jour.



