
Au classement de la liberté de la presse, la Thaïlande s’est hissée au 87e rang cette année, contre le 106e l’année dernière. Cela reste très médiocre puisqu’il est certains sujets que les médias ne peuvent pas du tout évoquer même de manière sereine et positive.
Le tableau de la région Asie-Pacifique reste sombre, avec 26 pays sur 32, dont la plupart des pays d’Asie du Sud-Est, qui ont vu leurs scores chuter, selon le classement mondial de la liberté de la presse 2024 de Reporters sans frontières, basé à Paris et publié plus tôt ce mois-ci.
Concernant la Thaïlande et pour la première fois depuis les élections de 2019, l’état de liberté du pays est passé du statut de « non libre » au statut de « partiellement libre », selon le rapport annuel 2024 de Freedom House, basé à Washington, sur la liberté dans le monde, publié en février. .
Pourtant, Kulachada Chaipipat défenseure de la liberté de la presse considère qu’il n’y a pas de quoi pavoiser. L’amélioration de la liberté de la presse en Thaïlande, due en partie à un changement de gouvernement dans un environnement électoral plus ouvert, n’est que la pointe de l’iceberg.
L’héritage d’une décennie passée sous la botte du putschiste Prayut Chan O-cha, a toujours un effet durable sur une démocratie fragile et sur les médias selon Kulachada.
Son inquiétude remonte à l’époque de l’ancien Premier ministre élu Thaksin Shinawatra, lorsque l’état de liberté globale du pays a commencé à passer du statut de « libre » à celui de « partiellement libre » en 2006, en raison de son emprise sur la vie politique et économique du pays. Puis la Thailande est passée à « non libre » en 2007, à la suite du coup d’État militaire de septembre 2006.
Le retour de Thaksin et la présence tutélaire du régime fait que les médias se retrouvent maintenant « pris entre le tigre et le crocodile » deux animaux qui menacent toujours la liberté de la presse.
Ces deux forces n’ont fondamentalement pas changé, mais elles sont plus complexes et insidieuses.
Kulachada explique que la Thaïlande est dirigé par un gouvernement de coalition démocratiquement élu et dirigé par Pheu Thai, qui non seulement excelle dans les négociations avec le régime militaire, mais qui possède également les compétences et les moyens nécessaires pour manipuler les médias.
Dans le même temps, les journalistes professionnels sont plus que jamais confrontés à un risque de perte d’emploi ou, au mieux, de réduction de salaire puisque les revenus publicitaires baissent.
Ils sont également menacés par la croissance rapide de la technologie de l’IA, qui peut augmenter la productivité et qui travaille plus rapidement qu’un humain.
La plupart des rédactions sont captives d’un modèle économique qui repose sur l’audience, manipulée par les algorithmes des plateformes de médias sociaux. La tendance est au court terme sans analyse. Les créateurs de contenu l’emportent sur les journalistes d’investigation. Ce sont les compétences multimédias qui sont recherchées de nos jours.
Résultat, en Thailande et Malgré une plus grande liberté, les médias s’affaiblissent. Ils ne peuvent plus enquêter sur les « pouvoirs » au milieu d’une avalanche d’informations ni aider la population à réfléchir sur les questions importantes, telles que les puissances politiques et économiques (locales et mondiales), le changement climatique et les pandémies, etc.
Selon Kulachada, la Thaïlande a besoin d’une communauté professionnelle des médias forte, plus unie qu’avant. Petits ou grands, qu’ils soient traditionnels ou numériques, locaux ou internationaux, les médias doivent parler d’une seule voix lorsque les journalistes sont attaqués et agir lorsque l’éthique est violée.
Outre les tigres et crocodiles, certaines technologies numériques peuvent permettre de contrôler les médias et de saper la démocratie.