La commission électorale thaïlandaise a fait l’objet d’un examen minutieux ce lundi, après qu’un groupe de surveillance a déclaré avoir reçu de nombreuses plaintes lors du vote anticipé, ce qui a alimenté les inquiétudes sur les médias sociaux quant à la compétence d’un organisme nommé sous le régime militaire.
Plus d’un million de personnes ont signé une campagne en ligne, lancée par le site change.org, exigeant l’éviction de la Commission électorale thaïlandaise (CE) suite à une série d’erreurs qui auraient été commis par des responsables électoraux lors du vote par anticipation dimanche.
Le Réseau populaire de surveillance des élections, une alliance d’organisations non gouvernementales, a déclaré avoir reçu environ 300 plaintes au cours du vote anticipé de dimanche, y compris des noms manquants, des votes émis par les mauvaises personnes, des erreurs dans les bulletins de vote envoyés par la poste et des listes de candidats incomplètes dans les bureaux de vote.
La Thaïlande organise des élections le 14 mai qui pourraient mettre fin à neuf années de gouvernement dirigé ou soutenu par l’armée depuis qu’elle a renversé un gouvernement élu en 2014, dans ce qui était son deuxième coup d’État en moins de huit ans.
La Commission électorale de Thaïlande (ECT) a déclaré avoir reçu 92 plaintes et des enquêtes sont en cours. Elle a promis que des erreurs similaires ne se reproduiraient pas le jour des élections.
Le scrutin oppose les partis de la coalition au pouvoir, liés à l’armée et à l’establishment royaliste, à un mouvement d’opposition qui a remporté toutes les élections au cours des vingt dernières années et a été démis de ses fonctions à trois reprises.
Les sondages d’opinion réalisés la semaine dernière ont montré que deux partis d’opposition disposaient d’une avance significative.
Yingcheep Atchanont, directeur exécutif de l’ONG iLaw, qui fait partie du groupe de surveillance, a déclaré que les erreurs n’étaient pas majeures mais qu’elles témoignaient d’un manque de compréhension ou de formation de la part de certains membres du personnel électoral sur le terrain.
« Ils ne comprennent pas le système et ne font donc que ce qu’ils comprennent », a déclaré M. Yingcheep, ajoutant que de nombreuses plaintes portaient sur les mêmes questions. « Je pense que dans ces cas-là, ils font des erreurs honnêtes.
Le hashtag « pourquoi avons-nous une commission électorale ? » était largement en vogue en Thaïlande lundi, des centaines de milliers d’utilisateurs mettant en doute la capacité de la commission à fournir un résultat juste et précis.
Les commissaires ont été choisis en 2018 par des institutions nommées par la junte après le coup d’État de 2014 de l’ancien chef de l’armée Prayuth Chan-ocha, qui est au pouvoir depuis lors.
L’organe de vote a fait l’objet de vives critiques lors des dernières élections, en 2019, avec de nombreuses allégations de manipulation et de négligence, après avoir retardé le résultat officiel de plus d’un mois et modifié sa formule d’attribution des sièges aux listes de partis.
À l’époque, la commission a nié tout acte répréhensible et a déclaré qu’elle avait besoin de temps pour permettre les recomptages, les disqualifications et les élections partielles.
En 2019, elle a modifié, après les élections, le mode calcul pour attribuer les sièges dans la partie « à la promotionnelle » du scrutin ce qui avait permis à maints minuscules partis d’obtenir un siège au détriment des grands partis. Tous ces députés ont rejoint la coalition du général putschiste Chan-o-cha.
C’est aussi la commission qui reçoit les plaintes plus sérieuses qui peuvent mener à la dissolution des partis. C’est elle qui les transmet ou pas à la « justice ».
Par ailleurs, une vidéo publiée lundi par le département des relations publiques de de l’armée, qui supervise les bases militaires dans le nord-est inquiète car certains y voient un clin d’œil à un possible coup d’état en préparation.
Le film d’animation met en scène les différents métiers qu’exerce un soldat. La caméra fait ensuite un panoramique sur un homme en chemise blanche qui crie : « Nous n’avons pas besoin de soldats. Retournez à votre caserne. Plus personne ne va faire la guerre. L’armée est une perte d’argent de toute façon.
Le chef du parti Future Forward, Pita Limjaroerat, qui porte généralement une chemise blanche, souhaite des réformes dans l’armée.
Le clip montre ensuite des images de militaires aidant les gens pendant les inondations, avec un soldat disant à un collègue : »Nous devons endurer cela, peu importe à quel point nous sommes détestés ».
La vidéo se termine par l’image d’un soldat faisant ses adieux à une vieille femme malade et mourante avec le message : « Nous remercions tous les soldats pour leur travail acharné et nous vous reverrons lorsque les gens auront besoin de vous.
Le clip a été largement partagé sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes ont exprimé leur inquiétude quant au retour d’un gouvernement militaire après les élections.
En mai 2014, le chef de l’armée de l’époque, le général Prayut Chan-o-cha, a mené un coup d’État militaire pour renverser le gouvernement élue de Yingluck Shinawatra. Il n’a jamais été inquiété et est toujours là 9 ans après.
Les partis les plus réactionnaires dont celui de Prayut ont déjà annoncé une reprise en main (en cas de victoire ?) après les élections en promettant que les « ennemis du pays » seront punis.
