
Au début du conflit, c’est le Cambodge qui réclamait avec insistance un cessez‑le‑feu, dénonçant les frappes thaïlandaises et appelant la communauté internationale à intervenir. Mais la dynamique du terrain a basculé. En quelques jours, l’armée thaïlandaise a repris plusieurs zones stratégiques, sécurisé des villages frontaliers et hissé son drapeau sur des positions symboliques, notamment autour de temples et de points d’observation revendiqués par les deux pays. Résultat : Phnom Penh, qui voyait dans la trêve un moyen de geler la situation, semble désormais déterminé à poursuivre les combats, parfois au corps à corps, pour éviter d’entériner des pertes territoriales lourdes de sens.
Depuis le 8 décembre, les affrontements ont été d’une intensité rare. Vingt et un soldats thaïlandais ont été tués, selon Bangkok, tandis que les médias cambodgiens avancent des chiffres invérifiables de milliers de morts côté thaïlandais et aucun dans leurs rangs. La Thaïlande estime pour sa part que plus de 500 soldats cambodgiens auraient perdu la vie. Les civils paient aussi un lourd tribut : Phnom Penh fait état de 17 morts et 77 blessés, Bangkok de 16 décès, dont un seul directement lié à une attaque cambodgienne.
Sur le terrain, les opérations se sont accélérées. À Trat, les Marines thaïlandais affirment avoir « neutralisé » les forces cambodgiennes et sécurisé totalement la frontière après huit jours de combats pour reprendre le village de Sam Haeng. Plus de 4 500 habitants ont été déplacés, mais aucun civil n’a été blessé dans cette zone. Les mystérieux drones signalés par la population n’auraient été, selon l’armée, que des tentatives d’intimidation.
Plus au nord, l’armée de terre a bombardé un immeuble‑casino utilisé comme base de lancement de drones par les forces cambodgiennes. L’armée de l’air a, elle, mené une frappe de F‑16 pour empêcher une contre‑offensive visant à reprendre Ban Sam Lang, un point stratégique récemment capturé par les Thaïlandais. La tension est telle que moins de trente minutes après la levée du couvre‑feu dans cinq districts de Trat, les combats ont repris, poussant Bangkok à intervenir en urgence.
Dans ce contexte, la Thaïlande pose désormais trois conditions strictes à tout cessez‑le‑feu : une annonce publique de trêve par Phnom Penh, une mise en œuvre réelle et durable, et une coopération totale dans le déminage. Autant dire que la balle est dans le camp cambodgien. Mais pour Phnom Penh, accepter ces conditions reviendrait à reconnaître la perte de zones sensibles, parfois chargées d’histoire et de symbolique nationale.
C’est là que le rapport de force se renverse : ce qui était au départ une demande pressante de cessez‑le‑feu devient, pour le Cambodge, un piège diplomatique. Tant que Bangkok consolide ses gains, arrêter les combats reviendrait à valider une défaite territoriale. D’où cette volonté apparente de poursuivre les affrontements, parfois à très courte distance, dans l’espoir de reprendre l’initiative ou, au minimum, de ne pas laisser la Thaïlande figer la situation à son avantage.
La frontière reste sous haute tension, et les deux pays semblent désormais engagés dans une course contre la montre : l’un pour stabiliser ses conquêtes, l’autre pour éviter qu’elles ne deviennent irréversibles.



