Thairath
Manishi Raychaudhuri, PDG d’Emmer Capital Partners Ltd et ancien responsable chez BNP Paribas Securities, considère que les pays d’Asie du Sud-Est, dont la Thaïlande, naviguent en eaux troubles entre deux géants économiques.
D’un côté, les États-Unis imposent des droits de douane punitifs de 40 % sur les réexportations de produits chinois, poussant Bangkok à revoir ses chaînes d’approvisionnement. De l’autre, la Chine inonde les marchés locaux de produits finis à bas prix, menaçant l’industrie locale.
Raychaudhuri explique que la Thaïlande, comme ses voisins, reste fortement liée à la Chine. En 2023, Pékin a contribué à hauteur de 9 milliards de dollars à l’excédent de 25 milliards du commerce des services de l’ASEAN. Le retour des touristes chinois est vu comme une bouffée d’oxygène pour le secteur thaïlandais. Mais cette dépendance économique rend toute prise de distance risquée. Pékin n’a pas hésité à rappeler, par la voix de Li Qiang, que l’Asie devait « resserrer les rangs » face aux « intimidations étrangères ».
L’afflux massif de produits chinois crée une vive concurrence pour les fabricants locaux. En Thaïlande, les inquiétudes grandissent : les usines souffrent, les emplois vacillent. L’Indonésie, confrontée à une situation similaire, a déjà vu éclater des manifestations. Le spectre de la désindustrialisation plane sur la région.
Face à cette double pression, l’ASEAN adopte une stratégie défensive : droits antidumping, enquêtes sur les importations chinoises, et renforcement des contrôles douaniers pour rassurer Washington. La Thaïlande a signé des accords avec les États-Unis pour diversifier ses sources de minéraux critiques, mais reste prudente pour ne pas froisser Pékin.
Raychaudhuri affirme que, pour sortir de l’impasse, la Thaïlande et ses voisins misent sur la montée en gamme industrielle. Des investissements venus de Chine, du Japon et de Corée soutiennent cette ambition. Le plan ASEAN Connectivity 2025 vise à fluidifier les échanges intra-régionaux, mais les disparités économiques et les obstacles logistiques freinent son efficacité.
Malgré les efforts, le commerce intra-ASEAN recule, tandis que les échanges avec la Chine explosent. Se rapprocher des États-Unis pourrait compromettre l’accès au marché chinois, mais rester trop dépendant de Pékin expose à des tensions commerciales et politiques. Pour la Thaïlande, comme pour l’ensemble de l’ASEAN, l’heure est à l’équilibrisme diplomatique.



