La Commission électorale thaïlandaise (CE) qui enquête sur le principal candidat Premier ministre pour des raisons contestables accroît l’incertitude politique dans le pays et pourrait nuire aux marchés, selon des universitaires et des hommes d’affaires.
Malgré le rejet de certaines plaintes contre Pita Limjaroenrat, chef du parti Move Forward, la CE menace de le dénoncer à la police. Il risque 10 ans de prison.
L’action de l’agence électorale a suscité l’indignation au sein du MF qui évoque un complot. Le «cerveau» présumé de l’establishment utiliserait des administrations, des commissions et des tribunaux pour empêcher Pita.
Tout le monde sait que la CE est redevable à Chan-o-cha quant à la justice, on la dit « aux ordres » depuis toujours mais le « cerveau » n’est pas forcément Prayut.
De nombreux observateurs craignent également que tout ceci ne retarde la formation d’un nouveau gouvernement, avec des effets négatifs sur l’économie.
« Le retard dans la formation d’un nouveau gouvernement aura un impact à la fois sur l’investissement direct étranger [IDE] et sur l’investissement national, car les investisseurs attendent, et certains pourraient même choisir d’autres destinations [au lieu de la Thaïlande ] », a déclaré Tanit Sorat, de la Confédération des employeurs thaïlandais.
Les entreprises veulent savoir qui sera le prochain Premier ministre – Pita ou le magnat de l’immobilier Srettha Thavisin du Pheu Thai Party – . Ceci, c’est dans le meilleur des cas car Thavisin fait partie de la coalition mais d’autres scénarios évoquent un Prayut qui s’accroche, un outsider, voire le chaos.
Les entrepreneurs souhaitent également savoir quelles politiques économiques le nouveau gouvernement poursuivra, en particulier sur la question de la hausse du salaire minimum quotidien à 450 bahts, a déclaré Tanit. Les industries, notamment les petites et moyennes entreprises, s’inquiètent d’une forte hausse des coûts de production qui nuira à leur compétitivité.
Dans le pire des cas après l’enquête de la CE, de nouvelles élections pourraient devoir être organisées pour les 151 sièges de députés remportés par les candidats de Move Forward.
« Si le résultat des élections devait être annulé, cela entraînerait des retards beaucoup plus longs et créerait beaucoup plus d’incertitude », a averti Tanit.
L’incertitude politique fait planer une menace sur l’économie dans un contexte de ralentissement économique mondial alors que les prix de l’énergie restent élevés. Les exportations de la Thaïlande au cours des quatre premiers mois de l’année se sont contractées de 5,2 %.
« Le retard dans l’entrée en fonction d’un nouveau gouvernement aurait un impact sur l’économie aux troisième et quatrième trimestres et réduirait la croissance économique sur l’ensemble de l’année à moins de 3% », a déclaré Aat Pisanwanich, de la Chambre de commerce thaïlandaise.
Aat évoque outre retards et incertitudes de potentielles violences politiques si les députés MF ne peuvent pas siéger.
Le analystes estiment que la décision de la CE d’enquêter sur le cas de Pita pourrait prendre beaucoup de temps. En effet, pendant tout ce temps-là, Chan-o-cha qui a nommé les membres de la CE, reste en place.
« Un tel scénario créerait plus d’incertitude quant à savoir qui prendrait le pouvoir et quand, et cela aurait un impact négatif sur le climat des affaires », a déclaré Somchai Jitsuchon, du Thailand Development Research Institute.
En outre, le retard aura certainement un impact sur les décaissements budgétaires, en particulier les nouveaux projets d’investissement qui doivent attendre l’approbation du Cabinet, a-t-il déclaré.
Le nombre de pays courtisant les IDE augmente, les gouvernements offrant des incitations compétitives pour encourager les entreprises à venir s’installer, on le voit en France. Récemment, un ministre indonésien a affirmé que le constructeur automobile japonais Isuzu délocaliserait son usine thaïlandaise de fabrication de camions en Indonésie. Isuzu a ensuite nié mais…
La stabilité politique en Indonésie a rendu le pays plus attractif pour les IDE. Malgré de meilleures infrastructures, l’incertitude politique en Thaïlande pourrait effrayer les investisseurs. Certains peuvent même délocaliser leurs usines dans des pays où l’environnement politique est plus stable. Malheureusement l’incertitude perdurera en Thaïlande quel que soit le gouvernement mis en place car les vrais problèmes du pays, comme la mainmise de l’armée, ne sont jamais traités.
L’Indonésie dispose d’un avantage concurrentiel en raison de l’importante consommation intérieure garantie par sa population de près de 274 millions d’habitants, ainsi que des stocks de minéraux rares, comme le nickel indispensable à la production de batteries pour les véhicules électriques. L’Indonésie se présente depuis quelques années comme une plaque tournante pour les constructeurs automobiles.
Cependant, les investisseurs qui opèrent en Thaïlande depuis de nombreuses années restent optimistes quant à la compétitivité de la Thaïlande en tant que base de production solide pour la construction automobile.
« La Thaïlande a de bonnes politiques, telles que les incitations du BOI [Board of Investment]. J’espère que le nouveau gouvernement poursuivra dans la même voie. », a déclaré Yeap Swee Chuan, d’Aapico Hitech Pcl, un important fabricant de pièces automobiles.
« La haute qualité des pièces fabriquées en Thaïlande est l’un des plus grands avantages du pays », a déclaré Chuan, également président de la Chambre de commerce Thaïlande-Malaisie.
Alors que le pays s’inquiète du vide politique avant la réunion du Parlement pour choisir le président de la Chambre et élire le Premier ministre, la température dans le pays pourrait augmenter. Des manifestations ont déjà lieu.
Les partisans du gouvernement en place veulent montrer leur soutien moral aux sénateurs qui envisagent de voter contre Pita pour le poste de Premier ministre. Les partisans de la coalition dirigée par le parti Move Forward ont menacé de protester contre la CE et la Cour constitutionnelle jugées « aux ordres ».
« La contestation politique fait partie de la démocratie. C’est quelque chose que nous voyons se produire dans les pays démocratiques », explique Somjai Phagaphasvivat, politologue. Le point important est d’empêcher les manifestations pacifiques de dégénérer en violence, dit-il.
« La CE attise l’incertitude, mais nous ne connaissons pas le résultat. Il est possible que l’enquête révèle que Pita n’a rien fait de mal », ajoute-t-il.
Malheureusement, il y a fort à parier que le régime ne laisse jamais un gouvernement élu en place pendant les 4 ans de la législature.
La question est de savoir jusqu’où les Thaïlandais qui ont voté MF sont prêts à aller pour que la volonté du peuple soit respectée.
