
Karom
La demande d’amnistie « pourrait conduire à une disparition prématurée » du gouvernement, un euphémisme pour parler d’un coup d’état judiciaire ou d’une démission suite à des manifestations géantes.
Le gouvernement a été mis en garde contre l’inclusion du crime de lèse-majesté parmi les infractions politiques couvertes par le projet de loi.
La volonté du parti Pheu Thai au pouvoir d’inclure le crime de lèse-majesté parmi les délits couverts par un nouveau projet de loi d’amnistie pour aider les prisonniers politiques pourrait conduire à la chute prématurée du gouvernement, a averti jeudi un porte-parole adjoint du gouvernement.
Comment un porte parole du gouvernement peut-il annoncer la chute du même gouvernement ? Parce que le porte parole en question est Karom Polpornklang, membre du parti Bhumjaithai. Il a déclaré que son parti se félicitait des efforts déployés pour adopter le projet de loi d’amnistie, qui, selon lui, contribuerait à mettre fin aux conflits politiques en cours et à favoriser l’unité dans la société. « Cependant, une grâce générale pour les auteurs de crime de lèse-majesté peut raviver le conflit et conduire à la chute du gouvernement », a-t-il déclaré.
Le commentaire de M. Karom fait écho aux récentes remarques faites par le leader de Bhumjaithai et ministre de l’Intérieur, Anutin Charnvirakul, qui a déclaré que l’article 112 du Code pénal, la loi de lèse-majesté, ne devrait pas être modifié. « Bhumjaithai n’a aucun problème avec l’article 112, et nous n’y toucherons pas », a déclaré M. Anutin.
Après des mois de silence sur la question, le parti Pheu Thai a soudainement retrouvé sa voix après que le patriarche du parti, Thaksin Shinawatra, a été inculpé en vertu de l’article 112 pour des propos qu’il avait tenus il y a près de dix ans.
Somkid Chueakong, membre du Pheu Thai et porte-parole de la commission parlementaire étudiant le projet de loi, a déclaré qu’il soutenait une proposition visant à inclure les violations de l’article 112 dans la liste des infractions qui seraient graciées. Il a déclaré que cela ne devrait pas être difficile, car cette décision est soutenue par plusieurs membres de la commission, sans entrer dans les détails.
M. Somkid a insisté sur le fait que l’idée d’inclure les infractions à l’article 112 avait été lancée bien avant que le procureur général ne décide d’inculper Thaksin.
L’ex-Premier ministre en liberté conditionnelle fait face à des accusations de lèse-majesté et de crime informatique suite à des propos qu’il a tenus lors d’une interview accordée à un journal sud-coréen à Séoul en 2015. Il doit comparaître le 18 juin dans cette affaire. Thaksin aurait diffamé la monarchie en affirmant que les conseillers privés du roi avaient soutenu le coup d’État militaire de 2014 qui a renversé le gouvernement dirigé par sa sœur cadette, Yingluck.
Dans le même ordre d’idées, des militants ultra conservateurs dirigés par Pichit Chaimongkol ont remis jeudi une lettre au comité de la commission parlementaire, lui demandant d’ignorer toute tentative d’inclure les crimes de lèse-majesté. M. Pichit a également déclaré que ceux qui ont été reconnus coupables de corruption et d’autres crimes graves devraient également être exclus du projet de loi.
Il a rappelé qu’un projet de loi d’amnistie politique avait provoqué des troubles sous l’administration Yingluck, en 2013 car certains ont considéré qu’il avait pour but de blanchir Thaskin, déjà. Les protestations massives qui ont suivi, ont abouti au coup d’État militaire de Prayut en 2014 et donc à « la disparition prématurée » de l’administration dirigée par le Pheu Thai, déjà.
Le Bumjaithai qui, au sein du gouvernement menace le gouvernement, faisait partie de la coalition du putschiste Prayut et s’affirme d’un royalisme radical même si la population a rejeté les partis proches de l’armée lors des élections de 2023.
Vendredi après-midi Ruam Thai Sang Chart et Palang Pracharath (des putschistes Prayut et Prawit), ont joint leurs voix au Bumjaithai pour dire qu’ils refusaient l’amnistie des personnes accusées de lèse-majesté. Le Parti démocrate dans l’opposition mais ultra conservateur a dit la même chose.
Le leader démocrate Chaichana Detdecho, qui est également vice-président de la commission, a déclaré que le système de gouvernement thaïlandais est une monarchie constitutionnelle avec le roi comme chef de l’État et que, par conséquent, les individus ayant commis un crime de lèse-majesté ne doivent pas bénéficier d’une amnistie.
La « disparition prématurée » du gouvernement actuel serait très facilement opérée par la « justice » que l’on dit proche du régime. Ou bien, les royalistes radicalisés pourraient descendre dans la rue sous le regard bienveillant de l’armée comme en 2013 et le gouvernement n’y survivrait pas. Une nouvelle coalition autour des partis pro-armée, les Démocrates et certains députés Pheu Thai serait très facilement mise en place.
Le régime se raidit clairement, ainsi La Cour d’appel a annulé le verdict de première instance qui avait acquitté un homme de 35 ans pour crime de lèse-majesté. La Cour d’appel lui a infligé une peine de trois ans de prison pour deux publications sur les réseaux sociaux publiées en mai 2020.
La peine a ensuite été réduite à deux ans sans possibilité de libération conditionnelle pour coopération avec la « justice ». Le tribunal de première instance l’avait acquitté faute de preuves, lui accordant le bénéfice du doute, mais la Cour d’appel a décidé autrement.
Toute cette instabilité politique qui, de fait dure depuis 19 ans, ajoutée à la dispute entre la Banque de Thaïlande et le gouvernement, à la possible éviction du premier ministre Srettha Thavisin par la « justice », les inquiétudes concernant des emprunts gouvernementaux importants, affectent les obligations thaïlandaises et le baht, a déclaré Poon Panichpibool, stratège à la Krungthai Bank.
« Cette incertitude politique à court terme ajoute une certaine volatilité au marché, ce qui pourrait empêcher les investisseurs étrangers d’acheter davantage d’actifs thaïlandais, même si certaines actions et obligations sont à des niveaux assez attractifs. »