Le gouvernement de Srettha Thavisin mettra en place une commission chargée d’enquêter sur la mort de la militante politique détenue Netiporn « Bung » Sanesangkhom, décédée des suites d’un arrêt cardiaque alors qu’elle était en grève de la faim.
La mort de Netiporn est susceptible de déclencher un certain ressentiment refoulé à l’égard des poursuites engagées contre les personnes poursuivies en vertu de l’article 112, même si le gouvernement pourrait chercher l’apaisement.
Le directeur d’Amnesty International Thaïlande, Piyanut Kotsan, a déclaré : « Netiporn avait entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention arbitraire et celle d’autres personnes, notamment pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains. Ceci rappelle de manière choquante que les autorités thaïlandaises privent les militants pro-démocratie de leur liberté, dans le but de faire taire toute dissidence. Les libérations provisoires sous caution sont rejetées pour ces prisonniers. Ce drame devrait servir de signal d’alarme. Les autorités thaïlandaises doivent abandonner les charges et libérer tous les défenseurs des droits humains. Le gouvernement doit se conformer aux recommandations de l’ONU qui l’exhorte à protéger la liberté d’expression et à mettre fin à la détention arbitraire.
« Netiporn et d’autres militants détenus en Thaïlande ont décidé de risquer leur vie en faisant une grève de la faim pour attirer l’attention sur le déni répété de leurs droits humains par les autorités. En vertu du droit international, les autorités doivent toujours garantir le droit à la vie et à la santé des grévistes de la faim, comme de tout autre prisonnier, conclut Piyanut.
Les autorités thaïlandaises ont mené une vaste répression contre les manifestants pacifiques et les discussions en ligne depuis le début des manifestations en faveur d’une réforme démocratique en juillet 2020.
Selon Amnesty, Les autorités ont utilisé des lois formulées de manière vague – sur la sécurité, la monarchie et la criminalité informatique – comme instruments de répression et interprètent la notion d’offense à la monarchie à leur guise.
Des libérations temporaires sous caution sont refusées, ou soumises à des conditions restrictives qui limitent leurs droits à la liberté de mouvement, d’expression et de réunion pacifique. Les autorités thaïlandaises intensifient leur harcèlement judiciaire contre les supposés dissidents, conclut Amnesty.
Le député d’opposition Rangsiman Rome demande qui exactement sera tenu responsable de la mort de Bung. Les autorités pénitentiaires affirment qu’elles n’ont rien à se reprocher.
Rangsiman a déclaré que Netiporn ne serait pas morte des suites de sa grève de la faim si elle avait été libérée sous caution plus tôt, sur la base de présomption d’innocence reconnue au niveau international.
«(Les autorités compétentes) auraient pu la libérer sous caution, même en cas d’accusations de lèse-majesté. Ceux qui ont pu être impliqués dans le processus judiciaire doivent en être tenus responsables », a déclaré Rangsiman sans donner de détails ni citer de noms.
Le « crime » de Netiporn était d’avoir mené un sondage d’opinion sur les cortèges royaux.
Pour les observateurs La mort de Netiporn Saneysangkhom, est un rappel brutal des différences idéologiques croissantes qui divisent le pays. Elle dirigeait le groupe Thalu Wang, qui fait campagne pour la réforme de la monarchie et la modification de l’article 112.
Personne en Thaïlande ne souhaite nuire à la monarchie mais certains pensent à des réforme pour le bien même de la monarchie qui, sans cela, pourrait se retrouver en décalage avec la vraie vie.
Le crime de lèse-majesté est grave dans le pays, et les tribunaux n’accordent parfois pas de libération sous caution à ceux qui sont susceptibles de répéter des actes similaires ou de défier le système judiciaire à l’extérieur, comme Netiporn.
Mais cette approche rigide finira par se retourner contre le système judiciaire et l’institution monarchique elle même. En effet, tout évolue sur cette terre comme le dit le Bouddha quand il parle de l’impermanence des choses et les réformes sont inévitables.
Les commentaires sur cette mort ont montré à quel point la société thaïlandaise est polarisée. Et il est clair que le système judiciaire ne sait pas comment traiter les prisonniers politiques.
Les militants demandent au tribunal d’accorder une libération sous caution à tous les prisonniers politiques.
Alors que la Thaïlande s’efforce de devenir une société ouverte, les lois et le système judiciaire doivent s’adapter, notamment à l’égard des jeunes générations, qui pensent et se comportent différemment.
Le sort de Netiporn soulève également des questions sur les pratiques du Département des services correctionnels, et une enquête sur sa mort doit être lancée par souci de transparence. Les communiqués du dit département ne sont pas clairs.
Pour les observateurs, Les Thaïlandais qui acceptent passivement le statu quo contribuent à une culture qui permet que de telles tragédies se produisent.
L’indifférence de beaucoup à l’égard de la mort de Bung est dangereusement complaisante. Se sentir impuissant à changer les choses crée l’environnement même dans lequel l’injustice se développe, affirment les experts.
Il est injuste non seulement qu’une personne soit emprisonnée pour ses opinions politiques, mais aussi que la société l’accepte sans colère. Le Premier ministre Srettha Thavisin, a prouvé durant cet épisode sa soumission au régime militaire car il n’a pas levé le petit doigt pour la liberté d’expression.
Accepter le maintien de lois injustes et les actions policières simplement parce qu’elles font partie d’un système établi relève de la lâcheté. Notre société doit développer le courage de remettre en question ces cadres et affirmer que l’inaction est en soi une forme de complicité, concluent les intellectuels thaïlandais.
Le Club des correspondants étrangers de Thaïlande (FCCT) a souligné que la loi sur lèse-majesté constitue une « grave atteinte aux droits à la liberté d’expression », empêchant les Thaïlandais de discuter ouvertement de l’une des institutions les plus importantes du pays. Les interprétations larges de ce qui constitue une diffamation royale font qu’il est difficile pour les journalistes de couvrir la Thaïlande sans craindre d’enfreindre la loi, ont-ils déclaré.
Des militants thaïlandais pro-démocratie ont rendu hommage à, Netiporn avec une Veillée aux bougies à Bangkok. Des fleurs ont également été déposées dans les villes du nord de Chiang Mai et Lampang et le signe de défiance au pouvoir, avec trois doigts, inspiré par les films Hunger Games, a fait son retour.
VOA, Channel News Asia, le New York Times, le TIME et le Guardian, ont évoqué le drame.
Alors que le gouvernement est critiqué pour son incapacité à redresser l’économie, relève le magazine économique Nikkei Asia, il cherche, par ailleurs, à intégrer le conseil des droits de l’homme de l’ONU. Mais la mort de Netiporn Sanae-sangkhom prouve que Bangkok n’a rien à faire dans cette instance.
L’ONU Human Rights Asia a demandé une enquête transparente et impartiale sur ce décès.
La militante politique Tantawan Tuatulanon a été emmenée mercredi midi de l’hôpital de la prison à l’hôpital universitaire de Thammasat, pour y être soignée pour stress et dépression.
Arjaree Srisunakrua, directrice de la prison pour femmes, a déclaré que l’état de Tantawan s’était détérioré après avoir appris le décès de son amie proche, Netiporn Sanesangkhom. Toutes deux partageaient une chambre à l’hôpital de la prison.
Arjaree a déclaré que des matons avaient été envoyés à l’hôpital de Thammasat pour s’occuper de la militante, qui fait face à des accusations de crime de lèse-majesté. Selon l’hôpital, Tantawan a déjà recommencé à manger et sa santé s’est améliorée, même si elle reste faible. Elle a entamé une grève de la faim pour les mêmes raisons que son amie.
Concernant les autres militants politiques en détention provisoire, le Département pénitentiaire envisage de les séparer des autres détenus.
Krisadang Nutcharat, avocate du groupe Thai Lawyers for Human Rights (TLHR), a déclaré que la gravité de la mort de Netiporn réside dans le fait qu’elle était sous la garde du département correctionnel. Grève de la faim ou pas, selon le Code de procédure pénale, elle est morte de causes non naturelles et les fonctionnaires concernés pourraient faire face à des poursuites pénales s’ils ont agi avec négligence.
Krisadang a déclaré que tous les autres prisonniers politiques devraient être libérés sous caution.
La commission parlementaire spéciale dédiée à l’amnistie politique doit délibérer sur la formation d’une… nouvelle commission. Cet organe doit examiner l’inclusion des suspects de lèse-majesté dans l’amnistie.
Le MFP milite pour l’idée selon laquelle les motivations politiques devraient être le principal critère d’éligibilité à l’amnistie.
Les questions sont de savoir
1- ce qu’est un crime de lèse majesté (organiser un sondage sur les cortèges royaux est-il objectivement un crime ?)
2- quel est le degré de gravité d’un supposé crime de lèse majesté (est-ce pire que la corruption des policiers ? ou que de conduire en état d’ivresse ? pourquoi les autres monarchies prennent les choses plus simplement ?)
Le groupe d’opposants Thalufah a soumis une lettre au gouvernement exigeant la libération sous caution pour les prisonniers politiques au siège du gouvernement jeudi à 10h.
Les cérémonies religieuses liées aux funérailles de Bung se déroulent Wat Sutthaphot, Lat Krabang.