Le marché des objets liés aux croyances religieuses et aux superstitions est en plein essor en Thaïlande depuis la pandémie de Covid-19, alors que le pays fait face à une crise économique. Les plateformes de médias sociaux occupent une place importante dans la commercialisation de ces objets.
Auramon Supthaweethum, du département thaïlandais des affaires, expliquent que 12 entreprises spécialisées dans les produits liés aux croyances ou aux religions se sont enregistrées en seulement 3 mois de 2024 (janvier – mars), contre 33 pour l’ensemble de 2023 et 24 en 2022.
Les sociétés exploitent à la fois des magasins physiques et des boutiques en ligne, proposant une variété de produits sur ces thèmes. Les articles les plus populaires sont les bracelets avec des amulettes, les colliers de pierres précieuses censés avoir des pouvoirs spirituels et les fonds d’écran de téléphones portables représentant des divinités.
La Thaïlande est un pays à prédominance bouddhiste, mais les statues de dieux hindous sont courantes et les objets liés à l’hindouisme sont particulièrement populaires. Les représentations de dieux hindous, connus pour leurs qualités spécifiques, comme Lakshmi, la déesse de la richesse, Brahma, le dieu créateur ainsi que Ganesh, le préféré de tous, se vendent comme des petits pains.
Traditionnellement, les Thaïlandais ont toujours valorisé la spiritualité et les amulettes. Cependant, Mme Auramon a noté que les entreprises liées à ces convictions se sont considérablement développées au cours des cinq dernières années. En 2024, la tendance se poursuit alors que les gens recherchent la chance (souvent mère de fortune) et un soutien moral pendant les périodes difficiles.
Les entreprises qui exploitent la demande croissante d’objets spirituels pratiquent le « Muketing ». Le terme « Muketing » dérive de « Mutelu » ou « Mu », le titre thaïlandais d’un film indonésien de 1979 consacré à la magie noire appelée Mutelu : Guerre Occulte .
Les principaux opérateurs de téléphonie mobile et fabricants de cosmétiques ont adopté le Muketing, en vendant des « numéros de téléphone porte-bonheur » et en incorporant des ingrédients apportant la chance dans des produits de beauté comme le fond de teint.
La génération Z, celle des jeunes nés après 1997, sont les principaux consommateurs de ces produits, les découvrant souvent via les réseaux sociaux. Une enquête menée par Hakuhodo Thailand a révélé que beaucoup de « Z » portent des vêtements aux couleurs de bon augure, se parent de bijoux représentant des dieux hindous et utilisent des fonds d’écran de téléphones portables sur le thème des divinités pour avoir de la chance au travail et dans les études. L’enquête, menée auprès de 1 200 personnes dans toute la Thaïlande, a révélé que 88 % de toutes les générations croient au pouvoir des objets sacrés.
Neeranooch Malangpoo, anthropologue à l’Université de Silpakorn, explique que l’utilisation d’objets sacrés en Thaïlande a une longue histoire, mais qu’elle a décollé lors de la crise financière asiatique de 1997. La pandémie de Covid n’a fait qu’amplifier le phénomène. En réalité, les amulettes étaient déjà largement portées à l’époque d’Ayutthaya. Tout comme les tatouages sacrés, elles protégeaient les soldats de la mort au combat et les officiers les distribuaient à leurs hommes.