Un ancien casino, possiblement utilisé par l'armée cambodgienne bombardé par l'armée thaïlandaise
Les tensions restent vives à la frontière thaïlando‑cambodgienne. À l’aube de ce mardi 9 décembre, les combats sont entrés dans leur deuxième journée. Sur sa page Facebook, la 2nd Army Region a indiqué que « les opérations militaires ont commencé » dès 6 h du matin, évoquant des échanges de tirs dans plusieurs zones sensibles, notamment Sam Tae, Phu Phi, Chong Ta Thao et autour du temple Ta Kwai.
Selon l’armée thaïlandaise, les forces cambodgiennes filment systématiquement les affrontements pour constituer des preuves destinées à la communauté internationale. De son côté, la page « Royal Thai Army – Trend Update » a confirmé que « les tirs ont repris dès les premières lueurs » et que les soldats thaïlandais « restent prêts à défendre la souveraineté nationale ».
Tirs de roquettes, explosions et exode de civils
Les autorités thaïlandaises affirment que des BM‑21 cambodgiens ont été tirés dans la province de Sisaket. Des détonations ont également été signalées dans les provinces voisines de Surin et Buriram. Phnom Penh dénonce pour sa part une offensive thaïlandaise élargie.
Le ministre cambodgien de l’Information, Neth Pheaktra, a annoncé lundi la mort de quatre civils cambodgiens et neuf blessés. Selon lui, « des dizaines de milliers de personnes ont fui les zones frontalières » pour rejoindre des abris sécurisés.
Le Premier ministre cambodgien Hun Manet a assuré que la priorité du gouvernement était « de protéger la population et l’intégrité territoriale du pays ». Le ministère cambodgien de la Défense affirme que les bombardements thaïlandais ont touché Preah Vihear et Oddar Meanchey avant de s’étendre à Banteay Meanchey.
Bangkok défend des opérations “strictement ciblées”
La 2nd Army Area a publié un long communiqué pour justifier ses opérations. Elle affirme avoir agi « contre des cibles militaires présentant une menace directe » et assure que toutes les missions ont été menées « en conformité avec le droit international » et avec un souci constant de limiter les risques pour les civils.
Parmi les opérations revendiquées :
- destruction de bâtiments abandonnés utilisés par des réseaux d’arnaques à Chong An‑Ma (Ubon Ratchathani)
- destruction de tours anti‑drones dans les zones de Preah Vihear et Huai Tamaria (Sisaket)
- opérations de déminage et de sécurisation dans des plantations de cajou proches de la ligne d’opération
- prise de contrôle du site du temple Prasat Khana (Surin)
- destruction d’un système logistique par câble sur la colline 350, près de Prasat Ta Kwai
Anutin ferme la porte aux négociations
Le Premier ministre thaïlandais Anutin Charnvirakul a exclu toute reprise du dialogue avec Phnom Penh tant que le Cambodge n’acceptera pas les conditions posées par Bangkok. Il affirme que la Thaïlande « agit pour défendre sa souveraineté, sa dignité et la sécurité publique » et que l’armée continuera ses opérations aussi longtemps qu’il le faudra.
Anutin assure que le pays a déjà transmis des preuves aux instances internationales pour démontrer qu’il « n’est pas l’agresseur ». Il refuse de donner un calendrier pour la fin des opérations, invoquant la nécessité de préserver le secret militaire. Il précise également que la crise n’a « aucun lien » avec les discussions internes sur une éventuelle dissolution de la Chambre.
La Thaïlande poursuivra son action militaire contre le Cambodge jusqu’à ce que la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays ne soient plus menacées, a également déclaré le ministre des Affaires étrangères, Sihasak Phuangketkeow, aux membres du corps diplomatique étranger. Pour certains observateurs et officiers thaïlandais, cela inclut la destruction de matériel militaire cambodgien et la « prise » de tous territoires que la Thaïlande revendique comme sien ou qui pourrait permettre d’éloigner la « menace ».
Hun Sen accuse Anutin de “jouer avec des vies humaines”
L’ancien Premier ministre cambodgien et président du Sénat, Hun Sen, est monté au créneau lundi. Dans un message très virulent, il accuse Anutin de mettre en danger « soldats et civils » pour des raisons politiques. Anutin aurait besoin de redorer son blason après la gestion calamiteuse des inondations à Hat Yai.
Hun Sen affirme que le Cambodge n’a « pas riposté » malgré les attaques et appelle les troupes cambodgiennes à « faire preuve de patience ». Ce discours tranche avec ceux qu’il tenait précédemment.
Hun Sen demande également aux autorités locales d’aider les civils déplacés et assure que, malgré la crise, les athlètes cambodgiens participeront bien aux Jeux d’Asie du Sud‑Est en Thaïlande.
Appels internationaux à la retenue
La Malaisie, l’Indonésie et le secrétariat de l’ASEAN ont appelé les deux pays à la retenue. L’ONU s’est dite préoccupée par la sécurité des civils des deux côtés de la frontière.
Pour l’heure, aucun signe d’apaisement n’est visible. Les deux gouvernements campent sur leurs positions, tandis que les habitants des zones frontalières vivent au rythme des explosions et des évacuations.



