Le parti d’opposition thaïlandais dissous, Move Forward, a dévoilé vendredi 9 août une nouvelle direction, un nouveau nom et un nouveau logo à la Thai Summit Tower, dans le district de Huai Khwang à Bangkok. Le « Parti du Peuple » deviendra le plus grand parti au Parlement, et promet de peaufiner le programme progressiste de son prédécesseur.
Le parti anti-establishment Move Forward, qui a gagné les dernières élections mais n’a pas pu former de gouvernement, a été dissous mercredi par la Cour constitutionnelle. Ses 143 députés survivants ont rejoint le nouveau parti dirigé par Natthaphong Ruengpanyawut.
Natthaphong qu’il faudra apprendre à connaître a 37 ans. Surnommé Teng, il est le 4e fils du magnat de l’immobilier Suchart Ruengpanyawut de Chanunthorn Development Group actif dans le quartier de Thonburi à Bangkok. Natthaphong a obtenu un diplôme en génie informatique à l’Université Chulalongkorn et a ouvert la société de logiciels Absolute Management Solutions.
Thanathorn Juangroongruangkit, chef du Parti Future Forward (FFP), dissous, a ensuite confié à Natthaphong la tâche de superviser la plateforme en ligne du parti – un travail qu’il a poursuivi lorsque le parti s’est réincarné en Parti Move Forward. Natthaphong a participé sous la bannière FFP aux élections générales de 2019 dans la circonscription 28 de Bangkok (Bang Khae) et a gagné de justesse contre un candidat du parti Palang Pracharath, alors au pouvoir. Député, Natthaphong préside actuellement la commission parlementaire chargée de la préparation et du suivi du budget.
« Nous poursuivrons l’idéologie de Move Forward. La mission pour moi et pour le parti est de créer un gouvernement pour changer la vie en 2027 », a déclaré Natthaphong lors d’une conférence de presse.
Le programme libéral de Move Forward a gagné un soutien massif auprès des électeurs jeunes et urbains, mais lui a valu des ennemis puissants, avec des projets qui incluent la réforme de l’armée et le démantèlement de monopoles commerciaux qui permettent aux milliardaires de s’enrichir pendant que le peuple tire la langue.
Sa tentative d’améliorer ou modifier la loi sur le crime de lèse majesté a fortement agacé les généraux et les royalistes radicalisés ayant des relations « haut placées », qui considèrent la monarchie comme divine.
Bien que le tribunal ait ordonné en janvier à Move Forward d’abandonner, Natthaphong a déclaré que le nouveau parti poursuivrait ses efforts pour modifier la loi controversée mais avec « prudence ». Dans l’esprit des royalistes, il n’y a pas de « avec prudence ». Évoquer la loi est tout simplement interdit.
Le Parti du peuple a déclaré que son nouveau logo présente une pyramide inversée, symbolisant l’élévation du peuple, qui est le fondement de la nation, au-dessus des « dirigeants ». Les trois lignes parallèles symbolisent la liberté, l’égalité et la fraternité. En 2020, certains manifestants arboraient le signe aux 3 doigts dont la signification était, outre un clin d’œil à la dystopie Hunger Games, un rappel de « liberté égalité fraternité ». Certains opposants ont été poursuivis pour avoir fait ce geste. La liberté, l’égalité et la fraternité sont des valeurs exactement contraires à celles du régime qui « tient » la Thaïlande.
La typographie du parti utilise un style représentant la modernité et l’équité. « Il s’agit du Parti du peuple, un parti créé par le peuple, pour le peuple, déterminé à bâtir une nation où le pouvoir ultime appartient au peuple », ont déclaré ses dirigeants.
Parit Wacharasindhu, ancien porte-parole du parti Move Forward Party (MFP), a souligné que puisque le pouvoir suprême appartient au peuple, toutes les institutions doivent lui rendre des comptes, être soumises à son contrôle et exister uniquement avec son consentement. Le secrétaire général du parti sera Sarayut Jailak.
Sirikanya Tansakun a déclaré qu’elle avait laissé la direction à Natthaphong Ruengpanyawut parce qu’elle avait confiance en ses capacités. Elle a nié les rumeurs suggérant qu’elle était candidate à ce poste. Elle a été formée en France. Si la devise du parti et sa présidente étaient toutes deux venues de France, les royalistes radicalisés seraient sans doute devenus encore plus nerveux.
Pravit Rojanaphruk fait remarquer que le groupe qui a renversé la monarchie absolue en 1932 s’appelait Parti du peuple. La nouvelle itération du MFP avec sa devise fait un clin d’œil à la Révolution française. Pravit est certains que les royalistes paranoïaques penseront que ce n’est pas une coïncidence.
De toute façon, il ressort de la conférence de presse de ce jour que le Parti du Peuple sera dissous à plus moins long terme car il ne fait rien pour apaiser un régime très susceptible. Pour l’agence nationale de presse ThaiPBS, que l’on ne peut pas taxer de favoriser l’armée, cette attitude de défi et cette obsession pour l’article 112 ne peut pas avoir d’issue positive tant que la « justice » sera ce qu’elle est. Le PP devrait selon l’agence faire preuve de « pragmatisme politique, juridique et culturel ».
Le parti a lancé un site Web permettant aux particuliers d’adhérer https://peoplespartythailand.org . Parit a déclaré que le MFP comptait plus de 115 000 membres et a exprimé l’espoir de voir ce chiffre grossir.
De son côté, Le parti Bhumjaithai a nommé le député d’Ang Thong, Paradorn Prissanananthakul, au poste de premier vice-président de la Chambre. Ce poste est devenu disponible car Padipat Suntiphada a été banni de la politique pour 10 ans suite à la dissolution du MFP. En tant que 2e parti de la coalition au pouvoir, le Bhumjaithai détient le quota pour ce poste. L’actuel 2e vice-président de la Chambre, Pichet Chuamuangphan, est issu du parti Pheu Thai au pouvoir. Le Bumjaithai qui « possède » 80 % des sénateurs étend son influence beaucoup plus sûrement que le Parti du Peuple avec beaucoup moins d’électeurs.