Les sondages ne s’étaient globalement pas trompés. Rejet de l’armée, de Prayut, de l’establishment, des vieux généraux, des traîtres comme le Parti démocrate. Et aussi des magouilles. Mais les sondages n’avaient pas vu un tel besoin de nouveauté et de « pureté » incarné par Move Forward.
Mais comment Pheu Thai qui a gagné toutes les élections depuis plus de 20 ans a pu perdre ?
Le chef du Pheu Thai, Chonlanan Srikaew, a déclaré qu’il soutiendrait Move Forward pour former un gouvernement de coalition. Il a souligné que le parti n’avait pas l’intention de former une coalition rivale.
Interrogée sur le retour de son père en Thaïlande, Paetongtarn Shinawatra a déclaré qu’il n’avait pas annoncé de nouveau calendrier et qu’il devrait toujours arriver en juillet, comme il l’avait précédemment déclaré.
Concernant la loi de lèse-majesté, Paetongtarn a insisté sur le fait que son parti ne soutenait pas la suppression de la loi, mais qu’il était ouvert à discuter de son amendement au parlement. Elle a également déclaré que le parti est prêt à discuter de l’amnistie potentielle pour les militants politiques.
Il ne fait pas de doute que les Shinawatra sont pour la modification de cette loi et pourtant le Pheu Thai a eu peur, au sens propre du terme, d’en parler. Peur de l’armée et « autre ». Future Forward, plus courageux a gagné.
Cependant Pheu Thai a commis trois autres erreurs.
Le premier faux pas s’est produit lorsque des rumeurs ont émergé selon lesquelles le PT collaborerait avec le PPRP et Prawit Wongsuwan (cerveau ds putschistes) pour former un gouvernement. Au lieu de nier catégoriquement PT a hésité. Des chuchotements au sein du parti concernant des accords secrets avec Prawit ont persisté, alors même que les sondages indiquaient que cela plombait Pheu Thai. C’était e la politique à l’ancienne qui sentait le faisandé.
Le deuxième faux pas est évident lorsque l’on regarde les 20 premiers candidats sur la liste du parti Pheu Thai. Parmi eux se trouvent des personnalités largement impopulaires comme Chalerm Yubamrung, un quasi gangster, ainsi que d’anciens ministres du parti Palang Pracharath. Lors d’une élection qui sert de référendum pour ou contre Prayut Chan-ocha, cela pose un problème pour un parti qui se prétend pro-démocratie de présenter l’un des principaux ministres de Prayut.
Le troisième faux est l’incapacité de Pheu Thai à évoluer notamment pour séduire les nouveaux électeurs. La campagne de médias sociaux de Pheu Thai était médiocre à comparer avec celle de MF qui a finalement gagné sur Internet.
C’est un peu comme si Pheu Thai et l’armée s’était adressé aux Thaïlandais de 2023 comme à ceux de 2019. Or de nombreux soutiens de l’armée sont morts de leur belle mort et les ados qui écoutent du rap enflammant les esprits ont eu le droit de vote entre temps. De plus en plus de vieux réactionnaires mourront pendant que de plus en plus d’ados deviendront majeurs.
Move Forward a mené une campagne guidée par des idéaux, une nouveauté en Thaïlande. MF était prêt à rester dans l’opposition encore 4 ans plutôt que de se trahir. Les autres partis, sauf Prayut, un réactionnaire sincère, ressemblent à des océans de vénalité.
Pheu Thai était obsédé par la victoire à tout prix, soit par une marge significative, soit en s’associant à quiconque était disponible, quitte à s’associer avec le diable. Le parti démocrate a fait cela précédemment et y a perdu son âme et ses électeurs.
L’urgence du PT était peut-être motivé par le désir de modifier la constitution scélérate le plus vite possible ou de ramener rapidement les deux anciens premiers ministres Shinawatra en Thaïlande. Essayer de ramener Thaksin dans le royaume s’est toujours révélé une mauvaise idée et source de troubles graves pour le parti.
D’ailleurs, les dernières vidéos live de Thaksin sur Internet laissaient une impression étrange pour ne pas dire malaisante. L’heure de la retraite a effectivement sonné pour lui.
Quoi qu’il en soit, Pheu Thai doit maintenant s’engager dans une profonde introspection et peut-être reconnaître que l’ère de la politique clientéliste et du règne des « familles influentes » est révolue. D’ailleurs MF a écrabouillé moult féodalités dimanche. Même Chonburi tenu par un clan ouvertement mafieux depuis des décennies s’est orangé.
Bien que Pheu Thai puisse encore accomplir beaucoup de choses, compte tenu de la popularité durable de « la marque » dans la région du Nord-Est, ses choix à l’avenir détermineront s’ils restent pertinents ou s’ils disparaissent comme d’autres.
