
Les Thaïlandais affirment que la réunion a été reportée sine die. Les Cambodgiens postent cette photo qui ne prouve rien.
La réunion bilatérale prévue entre les commandants thaïlandais et cambodgiens a été reportée sine die en raison de nouveaux affrontements survenus le long de la frontière, a annoncé mardi le général de division Vinthai Suwaree, porte-parole de l’armée thaïlandaise. Initialement prévue à 7 h, puis décalée à 10 h, cette rencontre aurait bien eu lieu, avec retard, selon l’armée cambodgienne qui a publié des photos non datées.
Selon les informations transmises à la Royal Thai Army (RTA), les forces cambodgiennes auraient violé l’accord de cessez-le-feu entré en vigueur à minuit le 28 juillet, en menant des provocations et attaques dans plusieurs zones sensibles. Malgré le respect strict de l’accord côté thaïlandais, les troupes ont dû répondre aux agressions sur le terrain, tout en restant dans le cadre de la défense proportionnée.
Des incidents ont été rapportés dans les secteurs de Chong Bok, Chong An Ma, Sam Tae, Prasat Ta Khwai et Phu Makua, où les forces thaïlandaises ont mobilisé leurs unités de première ligne pour contenir les hostilités.
L’armée thaïlandaise suppose que le Cambodge veut reprendre les quelques mètres carrés perdus avant de cesser le combat. Elle accuse, par ailleurs, son voisin de saboter délibérément la confiance établie lors de la réunion des deux Premiers ministres hier à Kuala Lumpur.
Cependant, à 11h, le Premier ministre thaïlandais par intérim affirme que la situation à la frontière est « calme » malgré les accusations de l’armée thaïlandaise de « violations » du cessez-le-feu par le Cambodge. Et le porte-parole du ministère cambodgien de la Défense ne fait aucune mention de violations.
Un cessez-le-feu « inconditionnel » aurait dû entrer en vigueur dans la nuit du lundi 28 au mardi 29 juillet 2025 entre la Thaïlande et le Cambodge, après cinq jours d’affrontements meurtriers le long de leur frontière en pleine jungle. L’accord vise à suspendre les combats autour de plusieurs temples anciens situés dans des zones contestées sur une ligne frontalière de 800 kilomètres. Ces heurts ont fait au moins 38 morts, civils et militaires, et causé le déplacement de près de 300 000 personnes.
Des pertes humaines continuent d’être signalées, dont celle présumée du général cambodgien Saray Dik, proche de Hun Sen.
La trêve a été négociée en Malaisie sous l’égide du Premier ministre Anwar Ibrahim, avec la participation active de la Chine et des États-Unis. Donald Trump s’est impliqué personnellement, menaçant d’imposer des droits de douane à hauteur de 36 % aux deux nations si la paix n’était pas restaurée — une diplomatie commerciale controversée qu’il revendique comme levier de désescalade. Les deux Premiers ministres ont salué l’implication de Washington, Pékin et Kuala Lumpur.
L’accord prévoyait des réunions bilatérales de commandement militaire mardi matin, qui sont remportées sine die, et la reprise des mécanismes transfrontaliers pour éviter de nouvelles hostilités. La Thaïlande appelle sa population à s’abstenir de tout acte hostile envers les travailleurs migrants cambodgiens.
La reprise des pourparlers commerciaux avec Washington pourrait adoucir les relations, mais les accusations de bombardements, d’usage de bombes à fragmentation et de ciblage d’hôpitaux ternissent les perspectives d’une résolution durable.
Alors que les violences rappellent les conflits de 2008–2011, le défi reste immense pour les deux voisins asiatiques : transformer une pause dans les tirs en paix pérenne, tout en désamorçant les rancunes historiques liées à la délimitation du territoire.
Le journaliste respecté Pravit Rojanaphruk explique qu’il y a 35 ans, le groupe Caravan chantait « Pour la paix » entre la Thaïlande et le Cambodge. Aujourd’hui, cette harmonie semble brisée. Le ressentiment a gagné les cœurs, au point qu’une partie des deux peuples se regarde désormais en ennemis. Tant que la Thaïlande n’acceptera pas la validité universellement reconnue des cartes franco-siamoises de 1907, le conflit perdurera.
Pravit dresse le constat amer d’un échec du soft Power thaïlandais et d’un aveuglement collectif face aux blessures frontalières. Les conséquences pourraient être lourdes : insécurité pour les étudiants cambodgiens en Thaïlande, incertitudes pour les entreprises et près d’un demi-million de migrants menacés.
Il appelle à raviver la mémoire de ces instants de fraternité — aujourd’hui inimaginables — et s’inquiète d’une haine alimentée par un ultranationalisme partagé et vorace, qui pourrait sacrifier une génération entière. Même un cessez-le-feu ne suffira peut-être pas à enrayer cette régression relationnelle. Et si le cessez-le-feu n’est pas respecté, la situation s’envenimera encore.