Ta Kwai, la semaine dernière et maintenant
BANGKOK / PHNOM PENH — La frontière thaïlando‑cambodgienne s’embrase pour la cinquième journée consécutive. Les combats, parmi les plus violents depuis des années, ont déjà fait au moins 102 soldats morts côté cambodgien, selon l’armée thaïlandaise, et près de 200 000 civils déplacés au Cambodge. Un bilan qui ne cesse de grimper, malgré les appels internationaux à la retenue.
Des combats sur plusieurs fronts
Tout a commencé dimanche, lorsqu’une patrouille thaïlandaise aurait été prise pour cible dans la province de Si Sa Ket. Depuis, les affrontements se sont étendus à 13 fronts répartis sur quatre provinces thaïlandaises. Bangkok accuse Phnom Penh d’avoir tiré des roquettes BM‑21, de l’artillerie lourde et d’avoir déployé des drones armés.
La Thaïlande affirme avoir riposté « proportionnellement », mobilisant artillerie, blindés et F‑16. Des frappes ont visé des positions cambodgiennes près de Preah Vihear, Ta Krabey, O’Smach ou encore Thmar Doun. L’armée thaïlandaise revendique la destruction de six chars T‑55, d’un lance‑roquettes BM‑21, de 64 drones et d’un système anti‑drone.
Civils pris au piège
Côté cambodgien, les autorités dénoncent des attaques « indiscriminées » sur des zones habitées. Le ministère de la Défense fait état de 10 civils tués, dont un bébé, et 60 blessés.
Les bombardements ont provoqué un exode massif : 57 105 familles, soit près de 198 000 personnes, ont fui leurs villages dans les provinces de Preah Vihear, Oddar Meanchey, Banteay Meanchey, Battambang, Pursat et Siem Reap.
Les dégâts matériels sont considérables : maisons détruites, infrastructures administratives touchées, pagodes endommagées, et près de 900 écoles fermées, perturbant la scolarité de 3 millions d’élèves.
Le patrimoine en ligne de mire
Les combats menacent aussi plusieurs temples anciens situés en zone frontalière. Le temple de Ta Kwai, utilisé comme position militaire par des soldats cambodgiens, a subi d’importants dommages. Le site de Preah Vihear, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, est également dans la ligne de mire.
L’UNESCO a exprimé sa « profonde inquiétude » et se dit prête à intervenir dès que la situation le permettra. Bangkok accuse Phnom Penh de militariser ces sites, en violation de la Convention de La Haye. Phnom Penh rétorque que les frappes thaïlandaises sont responsables des destructions.
Guerre de communication
Les deux capitales s’accusent mutuellement de violer le cessez‑le‑feu signé en octobre. Phnom Penh dénonce une « invasion » thaïlandaise et rejette comme « mensongères » les rumeurs de mercenaires étrangers opérant des drones suicides.
Bangkok assure de son côté que ses opérations visent uniquement des cibles militaires et accuse le Cambodge de diffuser de la « désinformation » pour masquer ses propres violations.
Tentatives de médiation
Le président américain Donald Trump, qui avait déjà imposé une trêve en juillet, tente à nouveau de joindre les deux dirigeants. Mais pour l’instant, aucun signe d’apaisement.
À Bangkok, le Premier ministre Anutin Charnvirakul, porté par un élan nationaliste, répète qu’il ne négociera pas « sous pression ». À Phnom Penh, le gouvernement affirme qu’il « ne cédera pas à l’intimidation ».
Une crise qui s’enlise
Entre bilans humains lourds, destructions massives et tensions politiques internes dans les deux pays, la crise semble loin d’être résolue. Les populations, elles, continuent de fuir, tandis que les combats se rapprochent de zones toujours plus sensibles.



