
Malgré les accords bilatéraux et les déclarations de paix, la tension monte à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, prise en étau entre diplomatie officielle et surenchère nationaliste. À Ban Nong Ree, dans la province thaïlandaise de Trat, les marines sont en alerte maximale. En cause : l’occupation prolongée de la minuscule zone dite des « Trois Maisons » par les forces cambodgiennes depuis 1986.
Le capitaine Thammanoon Wanna, commandant de la Task Force marine royale, affirme que le terrain est reconnu comme thaïlandais, mais que Phnom Penh refuse de se retirer, invoquant l’attente d’une démarcation officielle. « Nous ne laisserons pas le Cambodge dicter ses conditions », a-t-il déclaré, promettant une pression militaire si nécessaire, laissant ainsi entendre que la Thaïlande est prête à relancer « la guerre la plus bête du monde » pour quelques mètres carrés.
Cette posture martiale est renforcée par des groupes civils ultranationalistes. À Ban Nong Chan, dans la province de Sa Kaeo, 200 militants menés par Phichit Chaimongkhon ont manifesté leur soutien aux troupes thaïlandaises, dénonçant le manque de coopération cambodgienne sur les quatre préconditions fixées par Bangkok : retrait des armes lourdes, déminage conjoint, lutte contre les réseaux criminels transnationaux, et gestion partagée des zones disputées.
Le vice-ministre de la Défense, le général Adul Boonthamcharoen, a appelé à la retenue, notamment face aux menaces de Veera Somkwamkid, figure nationaliste, qui envisage une expulsion forcée de colons cambodgiens à l’aide d’une pelleteuse. Une initiative jugée risquée, susceptible de compromettre les efforts de paix.
Côté cambodgien, le ministère de la Défense a publié des images montrant le retrait de plusieurs pièces d’artillerie lourde, conformément à la première phase de désescalade. Mais sur le terrain, les observateurs de l’ASEAN rapportent que les troupes cambodgiennes bloquent toujours les opérations de déminage menées par la Thaïlande, en violation des accords.
Dans ce climat tendu, chaque geste est scruté, chaque parole amplifiée. Les gouvernements tentent de maintenir le cap diplomatique, mais les pressions internes, alimentées par des récits de souveraineté bafouée, rendent la désescalade fragile. Tant que les extrêmes dictent le tempo, le Cambodge et la Thaïlande risquent de rester prisonniers d’un nationalisme qui entrave la paix.



