
À l’approche des élections générales prévues d’ici avril, la réforme de la Constitution thaïlandaise semble compromise. Deux référendums seront soumis aux électeurs : l’un sur la révision de la charte de 2017, l’autre sur l’annulation de deux accords frontaliers signés avec le Cambodge en 2000 et 2001. Mais, selon les experts, le débat constitutionnel risque d’être relégué au second plan, balayé par une vague de nationalisme exacerbé.
Depuis l’affrontement frontalier du 28 mai, le mécontentement populaire s’est intensifié. Un sondage du NIDA révèle que la majorité des Thaïlandais ont « perdu patience » face au différend territorial. Dans ce climat, les accords bilatéraux — portant sur la délimitation des frontières terrestres et maritimes et la coopération énergétique dans le golfe de Thaïlande — cristallisent les frustrations. « Il suffit de prononcer le mot Cambodge pour que les gens votent contre », résume le politologue Purawich Watanasukh.
Face à cette montée du patriotisme, la réforme de la charte apparaît comme une question technique, peu mobilisatrice. Yuttaporn Issarachai, universitaire à Sukhothai Thammathirat, parle d’un « référendum dans le vide », où l’émotion l’emporte sur la réflexion. Il redoute que les électeurs ne soient pas prêts à trancher sur des enjeux institutionnels complexes.
La Constitution actuelle, rédigée sous la junte militaire en 2017, est accusée de verrouiller le système politique. Elle maintient un Sénat non élu au suffrage universel et confère à la Cour constitutionnelle un pouvoir d’intervention exagéré qui a déjà conduit à l’éviction de plusieurs Premiers ministres. Pour ses défenseurs, elle incarne la lutte contre la corruption, ce qui n’a visiblement pas été prouvé. Pour ses détracteurs, elle perpétue l’héritage du coup d’État de 2014 avec une mainmise de l’armée et des institutions proches sur le pays.
Deux projets de loi encadrant la rédaction d’une nouvelle charte sont en cours d’examen au Parlement. Mais les observateurs restent sceptiques : les précédentes tentatives de réforme ont été étouffées, et plus de 200 personnes ont été poursuivies pour avoir contesté le référendum de 2016.
Dans ce contexte, les référendums pourraient surtout servir à consolider le statu quo. Si l’attention publique reste focalisée sur les enjeux frontaliers, la réforme constitutionnelle risque de passer à la trappe — et avec elle, toute perspective de changement démocratique. Et certains observateurs estiment que les ultraconservateurs n’hésiteront pas à instrumentaliser le moindre désaccord avec le Cambodge pour détourner l’opinion publique des enjeux de réforme constitutionnelle.



