
Le World Inequality Report 2026, publié cette semaine, place la Thaïlande parmi les pays où la concentration de richesse est la plus extrême au monde. Et les chiffres montrent une tendance inquiétante : les inégalités ne cessent de se creuser.
Selon le rapport, les 10 % les plus riches captent 52 % du revenu total, alors que la moitié la plus pauvre de la population, qui doit se contenter de 11 %. En 2014, cet écart était moindre. En une décennie, la fracture s’est donc nettement aggravée, malgré les promesses répétées de réduction des écarts sociaux.
La situation est encore plus frappante lorsqu’on observe la répartition du patrimoine. Les 10 % les plus riches détiennent 65 % de la richesse nationale, et près de la moitié de cette somme est concentrée entre les mains du top 1 %. Autrement dit, une petite élite possède davantage que tout le reste du pays réuni.
Cette dynamique n’est pas nouvelle, mais elle s’accélère. Le rapport souligne que la Thaïlande figure désormais parmi les pays asiatiques où la concentration de richesse progresse le plus vite, alimentée par un modèle économique qui profite largement aux grandes entreprises, aux conglomérats familiaux et aux secteurs financiers, au détriment des ménages modestes. Ces « élites économiques » font partie du « régime » qui dirige la Thaïlande plus sûrement que les gouvernements élus.
Les conséquences sont visibles dans la vie quotidienne : coût du logement en hausse, salaires stagnants, endettement record des ménages — la Thaïlande affiche l’un des taux d’endettement privé les plus élevés d’Asie — et un marché du travail marqué par la précarité. Pour beaucoup, l’ascenseur social semble bloqué.
Le rapport rappelle aussi que les inégalités économiques s’entrecroisent avec d’autres réalités thaïlandaises : disparités régionales profondes entre Bangkok et les provinces, accès inégal aux services publics, et vulnérabilité accrue des femmes, qui gagnent en moyenne bien moins que les hommes lorsqu’on inclut le travail non rémunéré.
Pourtant, certains pays ont réussi à réduire leurs écarts grâce à des politiques fiscales progressives et à des transferts sociaux ciblés. En Thaïlande, ces outils restent limités. Le système fiscal demeure peu redistributif, et les programmes sociaux peinent à compenser les écarts structurels.
Le rapport met en garde : sans réformes ambitieuses, la Thaïlande risque de voir ses inégalités devenir un frein durable à la croissance, à la stabilité sociale et à la cohésion nationale.
Les élections à venir devraient s’emparer de ces sujets, mais il est à craindre que la « guerre » avec le Cambodge empêche tout débat serein.



