
Réduire les inégalités n’est pas un luxe moral : c’est une nécessité économique.
Quand les inégalités augmentent, la croissance ralentit. En Thaïlande, la concentration des richesses freine la consommation des ménages, moteur essentiel de l’économie. Les plus pauvres dépensent trop peu, ce qui limite la dynamique globale.
L’accès inégal à l’éducation et à la santé réduit le développement du capital humain, affaiblissant la productivité et l’innovation. En parallèle, les écarts de revenus découragent les travailleurs, peu motivés.
Les inégalités entraînent aussi une mauvaise allocation des ressources : des talents restent inexploités, et le secteur informel échappe à la régulation. Enfin, la faible mobilité sociale perpétue les écarts génération après génération, figent l’économie et freinent l’initiative.
Malgré une hausse générale des revenus, la Thaïlande affiche des inégalités économiques parmi les plus fortes d’Asie du Sud-Est, selon le rapport 2024 du Conseil national de développement économique et social (NESDB). Le fossé entre les plus riches et les plus pauvres s’élargit, menaçant la stabilité sociale et la croissance à long terme.
Le rapport s’appuie sur les données de la base mondiale sur les inégalités (WID), analysant deux indicateurs clés : le ratio de revenu entre les 10 % les plus riches et les 50 % les plus pauvres, ainsi que le coefficient de Gini. Résultat : un ratio moyen de 4,41 et un indice de Gini de 0,626, bien au-dessus de la moyenne régionale.
À titre de comparaison, les Philippines et l’Indonésie, avec des revenus par habitant plus faibles, présentent des ratios de 3,04 et 2,95, et des indices de Gini de 0,560 et 0,553. La Malaisie, plus riche que la Thaïlande, affiche un ratio de 2,14 et un Gini de 0,495. Ces chiffres révèlent une distribution des richesses bien plus équilibrée chez les voisins.
Tous ces pays affichent des taux de croissance 3 fois supérieur à celui de la Thaïlande.
Face à cette situation, les experts du NESDB appellent à des réformes structurelles : fiscalité plus progressive, formalisation du secteur informel, et investissements dans l’éducation et l’emploi de qualité. L’objectif : créer un système économique plus inclusif, capable de réduire les écarts sans freiner la croissance.
L’exemple des pays nordiques est cité comme modèle. En Norvège et en Suède, les ratios de revenu sont proches de 1,2 et les indices de Gini autour de 0,38, grâce à des politiques sociales robustes et une fiscalité redistributive. Même les pays d’Europe occidentale, comme la France ou le Royaume-Uni, affichent des inégalités moindres.
En parallèle, la pauvreté reste un défi majeur. En 2023, plus de 2,39 millions de Thaïlandais vivaient sous le seuil de pauvreté, dont près d’un tiers dans le Nord-Est. Le Programme de lutte contre la pauvreté (PMU-A) alerte sur l’endettement massif des ménages, qui atteint 87,4 % du PIB.
Pour Surapol Opasatien, ancien président du Bureau national du crédit, la dette non performante pourrait dépasser 1,3 trillion de bahts cette année, affectant surtout les jeunes actifs. Sans action rapide, les inégalités risquent de freiner durablement le développement du pays.