
Bangkok – L’ancien Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra, condamné à un an de prison, a été transféré mardi en fin d’après-midi vers la prison centrale de Klong Prem, établissement de haute sécurité alors qu’il avait d’abord été emmené à la Remand Prison qui, habituellement, accueille les prisonniers en « préventive ». Ce transfert intervient après une décision unanime de la Cour suprême (5 voix contre 0) affirmant que sa peine n’avait pas été correctement exécutée en 2023 puisqu’il avait profité de l’hôpital de luxe de la police au lieu de la paille humide du cachot.
Vêtu d’un uniforme bleu clair, Thaksin a été aperçu dans un fourgon du Département des services correctionnels pour effectuer ce transfer de 300 mètres vers 17h10. Seul détenu à bord, il a levé le pouce en direction des journalistes qui l’interpellaient sur sa destination et sur un éventuel message à adresser au peuple thaïlandais.
Conformément aux procédures pénitentiaires, Thaksin a subi un examen médical, a été photographié et ses empreintes digitales ont été enregistrées pour l’émission de sa carte de détenu.
Le Premier ministre Anutin Charnvirakul a assuré que Thaksin ne bénéficierait d’aucun traitement de faveur et serait soumis aux règles en vigueur, sans intervention du gouvernement.
Cependant Thaksin pourrait bénéficier d’un placement hors prison pour raisons médicales, selon les règles du Département des services correctionnels. Ce dispositif s’applique aux détenus gravement malades, sous réserve d’un certificat médical délivré par deux médecins publics. La procédure implique plusieurs étapes : évaluation par un comité, décision du directeur de prison, inspection du lieu de détention, et publication officielle. En cas de non-respect des conditions, le placement peut être révoqué. Thaksin reçoit déjà des soins, conformément à la réglementation en vigueur.
Enfin, les détenus âgés bénéficient souvent d’aménagement de peine ; or Thaksin a 76 ans. Gageons qu’il ne passera pas 365 jours derrière les barreaux.
Mais l’affaire prend une tournure politique. Nitithorn Lamluea, avocat et militant, a annoncé le dépôt imminent d’une plainte auprès de la Commission nationale anticorruption (NACC). Il accuse Thaksin d’avoir orchestré en 2023 un transfert illégal vers l’hôpital général de la police, invoquant des douleurs thoraciques. La Cour suprême a confirmé lundi que ce séjour hospitalier ne pouvait être comptabilisé comme temps de détention.
Nitithorn affirme que des membres du personnel médical et pénitentiaire ont facilité cette manœuvre, et son réseau a déjà déposé une plainte contre eux.
Ce rebondissement soulève des interrogations sur l’intégrité du système judiciaire thaïlandais et sur sa vulnérabilité face aux pressions politiques. Si la NACC donne suite, des enquêtes plus larges pourraient être ouvertes, avec à la clé des poursuites contre les responsables impliqués.
À ce jour, Thaksin n’a pas été condamné pour cette manœuvre frauduleuse manifeste ; il est simplement sommé de purger la peine initialement prononcée. Certains médecins impliqués ont fait l’objet de sanctions administratives, mais aucune procédure judiciaire n’a été engagée à leur encontre, en dépit de pratiques pour le moins discutables. Au-delà, ce sont les fonctionnaires du système carcéral thaïlandais qui se sont montrés complices.