Bravo aux illustrateurs de NATION TV
Chaque fin d’année, les journalistes parlementaires thaïlandais s’offrent un petit plaisir : distribuer des surnoms bien sentis aux membres de la Chambre des représentants et du Sénat. Une tradition qui en dit souvent plus long que les débats interminables sous les dorures. Et en 2025, le verdict est tombé : la Chambre est devenue un « nid de larves grises », et le Sénat… un « nid de rats ». Ambiance.
La Chambre, version insectarium
Le surnom de « nid de larves grises » n’a rien de flatteur. Les reporters expliquent que les députés ressemblent moins à des « cobras » (terme classique pour désigner les traîtres en politique) qu’à des larves discrètes, bien installées dans leurs partis, prêtes à se nourrir des avantages et des budgets. Le gris, lui, renvoie à des pratiques jugées pas tout à fait « propres » : conflits d’intérêts, deals transpartisans et petits arrangements entre amis. Bref, un insectarium où l’éthique politique semble avoir pris des vacances prolongées.
Le Sénat, version rongeurs
De l’autre côté du couloir, le Sénat s’est vu affublé du titre de « nid de rats ». Les journalistes dénoncent une chambre haute qui agit en bloc, souvent alignée sur les intérêts des puissants, c’est-à-dire « le régime » qui dirige en réalité la Thaïlande. Les votes pour nommer des membres d’organismes indépendants ont été validés malgré des soupçons de collusion. Et quand certains sénateurs minoritaires ont tenté de protester, les mécanismes « éthiques » ont servi à les museler. Un nid de rats disciplinés, mais pas forcément très populaires.
Le président du Sénat, marchand de fruits
Le prix de l’originalité revient au président du Sénat, Mongkol Surasajja, surnommé « Mong, le patron de l’entrepôt de fruits de Buriram ». Plus connu pour vanter les mérites du durian à l’eau minérale et du mangoustan premium que pour arbitrer les débats houleux, il s’est souvent réfugié derrière une phrase devenue culte : « Le président doit être neutre — on ne me laisse pas parler. » Résultat : une image plus proche du vendeur de fruits que du chef d’institution.
Les étoiles filantes
Trois figures ont été classées « étoiles déchues » : Mongkol lui-même, Alongkot Woraki, accusé d’avoir moqué un collègue en séance, et Sarani Anilbol, filmé en train de s’énerver contre un agent de sécurité à l’entrée du Parlement. Ajoutons à la liste Thanakorn Thavornchinchote, condamné à quatre ans de prison pour vol, et visé par une plainte pour inconduite sexuelle. Pas vraiment le casting de rêve pour incarner la probité.
La citation de l’année
Le prix du bon mot, qui correspond au prix français de l’humour politique, revient à Natthaphong Ruengpanyawut, chef de l’opposition, lors du vote qui a porté Anutin Charnvirakul au poste de Premier ministre : « Nous n’avons pas choisi Khun Anutin pour diriger le pays. Nous l’avons choisi pour dissoudre la Chambre dans le délai convenu. » Une punchline qui a fait mouche, et qui résume bien l’ambiance : plus de calculs tactiques que de grandes visions politiques.
L’événement et les duellistes
L’événement de l’année reste ce fameux vote du 5 septembre, qui a permis à Anutin de former un gouvernement minoritaire avec le soutien inattendu du People’s Party. S’en sont suivis des débats constitutionnels houleux, jusqu’à la dissolution de la Chambre en décembre.
Enfin, les « rivaux de l’année » sont deux sénateurs, Phisit Apiwattanaphong et Nantana Nandavarophas, qui se sont écharpés à répétition. Entre accusations d’obsession et conseils médicaux lancés en pleine séance, leurs échanges ont parfois ressemblé à une sitcom politique.
Un Parlement qui amuse autant qu’il inquiète
En fin de compte, ces surnoms révèlent une institution qui peine à convaincre de sa probité, mais qui continue d’inspirer les journalistes. Entre larves, rats et fruits exotiques, le Parlement thaïlandais version 2025 ressemble à un marché animé où l’humour sert de miroir aux travers politiques.



