L’UNION EUROPÉENNE a fait part de ses inquiétudes quant à la possibilité persistante qu’un grand parti thaïlandais participant aux élections générales du 14 mai soit dissous tôt ou tard par la « justice », selon le dirigeant de Bhumjaithai, Anutin Charnvirakul.
Toute cette séquence doit être traduite du langage diplomatique en langage habituel pour avoir du sens.
Le 26 avril, Des ambassadeurs et d’autres diplomates de la communauté européenne attachés à Bangkok, dont ceux de France (M Mathou), d’Allemagne, d’Espagne, du Danemark, de Suède et des Pays-Bas, ont visité le siège de Bhumjaithai et rencontré Anutin et d’autres membres du parti pour enquêter, entre autres questions, sur la possibilité de la dissolution du Pheu Thai et consorts par la Cour constitutionnelle, soit avant soit après les élections nationales.
Les diplomates de l’UE ont clairement demandé au chef de Bhumjaithai si le Premier ministre (putschiste de 2014) Prayut Chan-o-cha, qui se présente pour conserver le pouvoir sous la bannière du Ruam Thai Sang Chart, pourrait éventuellement bénéficier d’aubaines, soit avant ou après le Élection du 14 mai. Cet avantage crucial viendrait de la dissolution, par la « justice », de ses grands rivaux comme le Pheu Thai et Move Forward qui devrait recevoir 70 % des voix.
Prayut pourrait réussir à mettre en place un gouvernement minoritaire, en ajoutant ses quelques députés, ceux de petits partis et les 250 sénateurs non élus, qui avaient tous été triés sur le volet par lui-même et le chef de Palang Pracharath, Prawit Wongsuwan, à la suite du coup d’État de 2014 qu’il avait orchestré en tant que chef d’armée.
Un candidat au poste de Premier ministre est légalement obligé de recueillir des votes de soutien de plus de la moitié du total des 500 députés et des 250 sénateurs combinés soit 376. Mais ensuite, une motion de censure à la chambre ferait tomber immédiatement un gouvernement minoritaire.
La possibilité que le Pheu Thai soit dissous par un tribunal demeure puisqu’il est invariablement accusé de rester sous l’influence du chef du parti de facto / Premier ministre déchu Thaksin Shinawatra dont la fille Paetontarn est sortie de nulle part pour être nommée comme l’une des candidates au poste de premier ministre.
Par ailleurs la « justice » thaïlandaise n’a pas besoin de réel motif pour dissoudre les partis pro-Thaksin ou anti establishment. C’est arrivé à de nombreuses reprises depuis 15 ou 20 ans. Il suffit que l’un des membres d’un parti commette un acte supposément répréhensible pour que tout le parti soit dissout. Les motifs sont souvent ridicules.
La visite des diplomates de l’UE au siège de Bhumjaithai aurait été motivée par le commentaire récent d’Anutin qui s’affirmait en désaccord avec la dissolution de tout parti comme s’il s’agissait d’une éventualité.
Sans nommer qui que ce soit, Anutin, qui lui-même a été banni de toute activité politique aux côtés de 110 autres personnes en raison de la dissolution du Thai Rak Thai en 2007, a déclaré que dissoudre les partis est vain car ils reviennent sous un autre nom. Le chef de Bhumjaithai a apparemment fait référence au Pheu Thai dont la victoire écrasante est attendue lors des élections du 14 mai. Mais aussi au Party Move Forward dont la version précédente avait été dissoute en 2019.
Anutin pense qu’il faut sanctionner un homme politique fautif sans dissoudre tout son parti. Cette loi permet à l’establishment de se débarrasser de centaines de députés opposants (à Prayut par exemple) si un seul député offre un verre à un électeur.
Anutin a déclaré aux représentants de l’UE qu’il n’a pas encore décidé à quel parti Bumjathai pourrait se rallier pour mettre en place un gouvernement de coalition. Anutin a toujours dit qu’il s’allierait aux vainqueurs afin de rester ministre. Il peut même jouer le rôle de faiseur de roi comme en 2019, ce qui lui permet de choisir de « beaux » ministères comme la santé et les transports actuellement.
La démarche des diplomates européens est aussi louable qu’étonnante car elle montre que l’UE n’est pas favorable à un coup d’état judiciaire qui permettrait à Prayut de rester au pouvoir après la dissolution, par une « justice » aux ordres, des deux partis vainqueurs aux élections.
La visite prouve que cette dissolution est très possible.
Selon les observateurs, les factures d’électricité d’avril, exorbitantes, pourraient achever tout espoir de Prayut de réaliser un score honorable le 14 mai. Au dessus de 20 %, c’est un triomphe pour lui, de 15 à 20 %, un succès. Entre 10 et 15 %, c’est une défaite. En dessous de 10 % une Bérézina.
Anutin, plus prudent, a fixé la limite de la Bérézina à 3 %.