
Selon The Nation, un journal thaïlandais, la récente médiation proposée par le président Emmanuel Macron dans le conflit frontalier entre la Thaïlande et le Cambodge soulève des interrogations sur les motivations françaises, notamment l’intérêt stratégique de TotalEnergies dans les zones offshore contestées du golfe de Thaïlande. Alors que des tensions militaires persistent et que le Cambodge a sollicité l’intervention de la Cour internationale de justice (CIJ), la France s’érige en médiateur « neutre et constructif », offrant l’accès à des archives coloniales potentiellement décisives pour la résolution du différend.
Cette initiative intervient sur fond d’instabilité politique en Thaïlande, où la population manifeste contre la Première ministre Paetongtarn Shinawatra. Parallèlement, TotalEnergies maintient depuis 2009 une présence notable dans la région via l’accord d’exploration de la zone OCA-III, une aire maritime également revendiquée par la Thaïlande. Estimées à 300 milliards de dollars, les réserves en hydrocarbures de cette région attisent les convoitises, notamment françaises, et donnent à la diplomatie de Macron une coloration géostratégique.
Le rôle historique de la France, ancienne puissance coloniale du Cambodge, lui confère une légitimité particulière dans la délimitation des frontières. Les documents cartographiques français avaient notamment appuyé la décision de la CIJ en 1962 concernant le temple de Preah Vihear, en faveur du Cambodge. Dans cette logique, Macron a rencontré le Premier ministre cambodgien Hun Manet à Nice avant d’échanger par téléphone avec la Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra, vendredi dernier, soulignant un effort d’équilibre diplomatique.
Outre la géopolitique, l’enjeu énergétique s’inscrit au cœur de la stratégie française. TotalEnergies cherche à élargir son empreinte, avec un réseau de stations-service au Cambodge et des ambitions dans les énergies renouvelables. Des discussions récentes entre l’entreprise et les autorités cambodgiennes évoquent de nouveaux investissements, sur fond de rivalité énergétique régionale.
Alors que les relations diplomatiques entre la Thaïlande et le Cambodge semblaient amorcer un tournant constructif ces derniers mois, les espoirs d’une exploitation conjointe des ressources énergétiques offshore ont brutalement été mis en suspens. Un projet d’accord basé sur le mémorandum d’entente (MoU) de 2001 avait suscité un regain d’optimisme, promettant une coopération inédite dans les zones maritimes contestées du golfe de Thaïlande.
Mais cette avancée n’a pas résisté à la montée en puissance des voix ultranationalistes en Thaïlande. Brandissant la souveraineté nationale comme étendard, plusieurs groupes ont manifesté leur opposition farouche à ce rapprochement, réclamant publiquement l’abrogation du MoU, accusé de brader les intérêts du royaume.
Dans un enchaînement que certains jugent suspect, une série d’incidents armés a éclaté peu après à la frontière commune. Ces tensions militaires, doublées d’une rhétorique nationaliste de plus en plus virulente, ont immédiatement gelé les négociations. Le projet d’exploitation énergétique conjointe, déjà politiquement sensible, est désormais relégué aux calendes grecques.
Alors que certains analystes appellent à une médiation intra-asiatique sous l’égide de l’ASEAN, les tensions persistantes ont déjà des répercussions : restrictions frontalières, affrontements militaires et obstacles diplomatiques. Le succès de l’intervention française dépendra de sa capacité à répondre équitablement aux revendications territoriales, sans se limiter à la promotion de ses propres intérêts énergétiques.
Certains observateurs estiment que la mise en lumière, par les Thaïlandais, des intérêts économiques français dans la région pourrait viser à affaiblir la crédibilité de l’initiative diplomatique d’Emmanuel Macron. Cette posture critique pourrait se renforcer dans l’éventualité où les preuves historiques confirmeraient que les temples disputés relèvent bien du territoire cambodgien.