Le Pheu Thai depuis qu’il existe a toujours été le plus grand parti politique de Thaïlande jusqu’au 14 mai de cette année. Depuis que Thaksin Shinawatra a formé le parti Thai Rak Thai en 1998, il a remporté toutes les élections, sous des noms différents. Et puis le 14 mai 2023 est arrivé.
Nattakorn Devakula de Voice TV, affilié aux Shinawatra, avait l’air aussi abasourdi que tout le monde. Il pensait Pheu Thai progressiste, mais a admis que Move Forward était considéré comme plus progressiste. Et la vraie question est de savoir si le fait d’être associé à Thaksin Shinawatra remet en cause l’image « progressiste » du Pheu Thai .
Thaksin est maintenant un homme âgé aux jugements à l’emporte pièce, surtout en matière de diplomatie. Par ailleurs, les jeunes Thaïlandais ne le connaissent quasiment pas.
Le mantra « Thaksin est persécuté » (par l’establishment) a fonctionné pour le Pheu Thai à chaque fois jusqu’aux élections de 2019. Depuis, Thanathorn Juangroongruangkit, qui a créé Future Forward devenu Move Forward est encore plus persécuté par le régime.
Pheu Thai a de nouveau utilisé la carte Thaksin avant le 14 mai, faisant de sa plus jeune fille une candidate au poste de Premier ministre. L’homme de Dubaï a également juré de retourner en Thaïlande en juillet dans une démarche qui reste floue et pourrait gêner son parti voire le MF. Il a convoqué sa fille ce week-end et on suppose qu’elle écoutera les ordres de papa.
Mais le PT se souvient que les manifestations de 2013 qui ont abouti au coup d’état de 2014 ont commencé lorsque le parti a évoqué une amnistie qui aurait concerné Thaksin. Une mesure sans doute exigée par le dit Thaksin.
Alors, le PT : avec ou sans Thaksin ? Mais Comment un parti si financièrement lié aux Shinawatra pourrait-il perdre Thaksin ?
En outre, Thaksin peut à juste titre revendiquer le mérite de plusieurs politiques clés qui ont fait le succès de Pheu Thai. Mais la vague Move Forward montre que Thaksin n’est pas seulement un atout important, il peut aussi être un énorme handicap.
Thaksin a connu sa popularité non pas grâce au caractère démocratique de sa politique (elle ne l’a jamais été) mais parce qu’il était moins pire que les autres. Il fut le premier a regarder les pauvres. Mais de haut et toujours dans un système féodal.
Pheu Thai peut espérer que la fièvre Pita est éphémère et que sa propre base est plus profondément enracinée. Le fait que PT soit installé à Bangkok n’est pas rassurant pour lui car la capitale a toujours brûlé ce qu’elle a adoré la veille
Pheu Thai peut espérer que Move Forward passe comme une mode. Mais s’il restait ? D’ailleurs, Lorsque Thai Rak Thai (Thaksin) est né, beaucoup de gens pensaient que c’était une lubie. Le parti a prouvé que les observateurs avaient tort et il a continué à dominer élections après élections .
L’objectif à long terme du Pheu Thai est de retrouver le statut de parti le plus populaire. C’est naturel. Et le Pheu Thai ne sait pas si, pour se faire, il doit adhérer à la coalition ou pas.
Ainsi, Nattakorn de Voice TV veut que PT rivalise avec Move Forward car s’il coopère, Pheu Thai peut devenir un simple supplétif et perdre en influence. Tout dépend comment PT veut rivaliser avec MF. Si rivaliser veut dire créer une coalition avec de plus petits partis, oui, c’est possible.
Les partenaires de la coalition dirigée par Pheu Thai auraient 280 députés (majorité à 251) dont 141 députés Pheu Thai, 71 députés Bhumjaithai et 40 députés Palang Pracharath, entre autres, plus un soutien écrasant des sénateurs pro-armée, tous triés sur le volet par les putschistes Prawit et Chan-o-cha après le coup d’État de 2014, ont indiqué des sources partisanes.
La question est de savoir si ce scénario peut survenir dès maintenant ou après que Pita aura échoué à se faire élire premier ministre, victime qu’il aura été, du pouvoir de nuisance des sénateurs.
L’attitude à la limite de l’arrogance du MF, au sujet du perchoir, ne peut que blesser le PT car le nombre de députés des deux partis reste proche.
Le chef du Pheu Thai, Chonlanan, a déclaré dans une interview à Thairath que son parti veut toujours faire en sorte que Pita Limjaroenrat devienne le prochain Premier ministre. Mais Chonlanan n’est « que » le chef officiel du parti. Il est rationnel et honnête. En effet, il a compris que trahir le MF et ses propres électeurs ne ferait que nuire au PT.
Chonlanan a déclaré que le parti vise à établir un gouvernement démocratiquement élu, représentant les voix de 24 millions d’électeurs, pour empêcher que les putschistes restent au pouvoir..
Chonlanan a également exprimé sa confiance que les partenaires de la coalition seront en mesure de parvenir à un accord sur le poste de président de la Chambre.
Le chef du parti Move Forward, Pita Limjaroenrat, est aussi intervenu dans la lutte pour la présidence. Il a déclaré que l’enjeu est insignifiant par rapport aux tâches confiées à la coalition par le peuple.
De son coté, un autre chef du Pheu Thai, Phumtham Wechayachai, a rejeté une suggestion selon laquelle Wan Muhamad Noor Matha, chef du parti Prachachart, deviendrait président de la Chambre pour mettre fin au conflit entre les partis Move Forward et Pheu Thai. D’autres noms « neutres » ont également circulé.
L’enjeu du perchoir est que le président de la chambre décide de l’ordre du jour de l’assemblée or le MF veut faire avancer le dossier de la loi sur lèse majesté quand les autres membres de la coalition veulent éviter le sujet. MF pense qu’il a gagné les éléctions grâce à ses positions sur la loi 112. Les autres, sans doute favorables aux réformes, ont peur de l’armée.
Mais ce vendredi soir, des sources au sein du PT expliquent un autre enjeu au fait de détenir le perchoir. Si le 3 aout, Pita ne parvient pas à se faire élire premier ministre, le président de la chambre sera à la manoeuvre.
Si le président de la Chambre est MF, il ou elle proposera une seconde chance à Pita.
Mais si le président de la Chambre appartient au Pheu Thai, il ne donnera pas une seconde chance au même Pita et procédera rapidement à la nomination de Paetongtarn à la place qui elle se fera élire. Par qui ?
