
Newin et Thaksin
suite de cette affaire :
Selon des sources généralement bien informées, Thaksin Shinawatra, chef de facto du Pheu Thai, cherche discrètement à exercer son influence occulte, via le Sénat, sur les agences « indépendantes », allant de la Commission électorale et la Commission nationale de lutte contre la corruption (NACC) à la Cour constitutionnelle, entre autres.
Ce sont les sénateurs qui nomment les membres de ces agences « indépendantes » qui, jusqu’à maintenant, restaient dans la droite ligne du « régime ». Ces agences démettent des Premiers ministres, dissolvent des partis politiques et bannissent des opposants pour des motifs parfois curieux. Qui contrôle ces agences, contrôle le pays, c’est ce qu’a prévu l’armée et le putschiste Prayut Chan-o-cha en écrivant la constitution de 2017. Thaksin souhaite maintenant devenir le contrôleur en chef de la Thaïlande.
En effet, les élections n’ont pas une grande influence sur la vie politique thaïlandaise, puisque les « agences » dissolvent les partis qui n’ont pas l’heur de plaire au régime. Ce sont les « agences » qui, de facto commandent.
Pour contrôler ces agences, Thaksin veillerait à ce qu’une majorité des sénateurs — actuellement loyaux à Newin Chidchob, chef de facto du Bhumjaithai — se rallient à ses plans, selon ces sources. L’histoire ne dit pas comment Thaksin va attirer ces sénateurs.
Alors que le Département des enquêtes spéciales (DSI) envisage d’examiner les fraudes du Bumjaithai lors des élections sénatoriales de l’an dernier, le projet de Thaksin de récupérer une majorité des 200 sénateurs prend de l’ampleur. Les irrégularités grossières du Bumjaithai pourraient mener à des accusations de blanchiment d’argent. La logique voudrait que ces élections soient purement et simplement annulées, mais, à ce stade, il n’en est pas question.
Parmi les 138 sénateurs soupçonnés d’avoir participé à ces fraudes électorales, au moins 100 pourraient quitter le camp de Newin pour rejoindre Thaksin. « Leur avenir politique est en jeu, et les autorités ont quelques mois pour engager des poursuites pour fraude électorale, liée au Bhumjaithai », précise une source partisane.
Le DSI, sous l’autorité du ministre de la Justice Thavi Sodsong, a déjà recueilli des preuves, dont des bulletins de vote trouvés dans des hôtels où des candidats aux sénatoriales auraient eu des réunions clandestines. L’enquête pourrait viser non seulement les sénateurs, mais aussi les marionnettistes du Bhumjaithai, partenaire minoritaire de la coalition gouvernementale, souvent en tension avec le Pheu Thai.
Thanaporn Sriyakul, directeur de l’Institut d’analyses politiques, souligne que Thaksin n’est pas spécialement intéressé par les modifications à la constitution de 2017, héritée de la junte, préférant manipuler directement les sénateurs chargés de nommer les membres des agences « indépendantes ».
Le Bhumjaithai, inféodé au régime, refuse toute réforme constitutionnelle, malgré les tensions avec le Pheu Thai. La défaite récente du Pheu Thai face au camp de Newin lors des élections des chefs provinciaux renforce la détermination de Thaksin à contrôler le Sénat.
De retour d’exil en 2023, Thaksin aurait conclu un « accord secret » avec le régime, lui évitant la prison malgré une condamnation à un an qu’il a purgé dans le confortable hôpital de la police. Il a orchestré la rupture avec le parti Move Forward, vainqueur des élections et allié postélectoral. Il a formé une coalition inédite avec les partis pro-armée de deux putschistes et il aurait distribué les portefeuilles ministériels.