
Voici l’avis de Kavi Chongkittavorn, un observateur avisé.
Depuis la publication du Cadre stratégique pour l’Indo-Pacifique de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) l’année dernière, l’organisation intergouvernementale basée à Paris a redoublé d’efforts pour attirer davantage de membres de la région. L’Indonésie et la Thaïlande, les plus puissantes économies de la région figurent, en tête de liste.
L’Asie du Sud-Est a toujours été une zone d’influence de l’OCDE. Pourtant, les pays de la région semblent réticents à l’heure où l’adhésion exige qu’ils alignent leur orientation politique et économique sur celles de l’OCDE.
L’OCDE, le plus grand consortium mondial d’économies modernes et industrialisées, perçoit la région Indo-Pacifique comme l’avenir. Plus de la moitié de la population mondiale vit dans la région Indo-Pacifique, et près de 60 % du PIB mondial et les deux tiers de la croissance mondiale y sont générés.
Certains des objectifs stratégiques de l’OCDE sont compatibles avec ceux du gouvernement thaïlandais. À l’instar de l’OCDE, la Thaïlande souhaite également bâtir une reprise économique forte, inclusive et durable. La Thaïlande et l’OCDE sont prêtes à travailler ensemble pour atténuer les effets du changement climatique, s’y adapter et lutter contre la pollution des mers. D’autres objectifs communs sont de gérer la transformation numérique et de renforcer le système commercial mondial fondé sur des règles.
Au cours des dernières décennies, la Thaïlande a souhaité devenir une économie avancée et participer à la gouvernance économique internationale. Cependant, des problèmes intérieurs – instabilité politique et nombreux coups d’État militaires – ont empêché le pays d’avancer dans cette direction. Malgré tout, les décideurs thaïlandais n’ont jamais abandonné l’espoir de rejoindre l’OCDE. Rappelons que la Thaïlande espère devenir une économie avancée d’ici 2037.
La Thaïlande a officiellement soumis sa lettre à l’OCDE pour entamer le processus d’adhésion le 8 février, après un certain retard. Lors de la réunion du Conseil de l’OCDE à Paris du 20 mars, les membres ont exprimé leur soutien général à l’ambition du pays de devenir membre de l’OCDE. Dans une lettre adressée au Premier ministre Srettha Thavisin, Mathias Cormann, secrétaire général de l’OCDE, l’a informé de ce soutien. La réunion a également souligné la coopération de longue date de la Thaïlande avec l’OCDE. M. Cormann a réitéré l’objectif stratégique de l’OCDE de renforcer son engagement en Indo-Pacifique.
Pour appuyer la candidature de la Thaïlande, le ministre des Affaires étrangères Parnpree Bahiddha-Nukara devrait visiter le siège de l’OCDE après Songkran.
L’adhésion est un processus long : il dure cinq ans. Pendant cette période, la Thaïlande doit maintenir avec détermination sa politique étrangère et économique favorable. Le Costa Rica, le dernier pays à rejoindre l’OCDE, a mis exactement cinq ans pour achever la procédure d’adhésion. Compte tenu de la réalité thaïlandaise, tous les évènements inattendus doivent être évités.
On comprend que cela concerne les coups d’état militaires mais on ne sait pas si cela concerne aussi les dissolutions de partis politiques, surtout s’ils ont gagné les élections.
La Thaïlande fait aussi partie d’une trentaine de pays souhaitant rejoindre les Brics, une organisation intergouvernementale composée au départ du Brésil, de la Russie, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud.
L’année dernière, les Brics ont ouvert la porte à davantage de membres, notamment l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Égypte, l’Éthiopie et les Émirats arabes unis.
Pourtant, la Thaïlande doit attendre pour rejoindre les Brics que son adhésion à l’OCDE soit finalisée. L’année dernière, l’ancien ministre des Affaires étrangères Don Pramudwinai a assisté au 3e sommet des Brics en Afrique du Sud dans le cadre du dialogue Brics Plus. Pour éviter tout malentendu, les futures activités liées aux Brics seront menées uniquement dans le cadre du dialogue Brics Plus et de manière discrète.
L’Indonésie, qui aspire à devenir membre de l’OCDE, est également confrontée à des défis. Au début, il n’y avait pas de consensus pour accepter la candidature de l’Indonésie en raison de sa position sur le conflit Israël-Hamas. Après un intense lobbying de Jakarta, le conseil a donné son feu vert. Mais l’adhésion à l’OCDE devra inclure un engagement pour les valeurs libérales et les principes fondés sur des règles.
La Thaïlande apprécie sa coopération Sud-Sud, depuis des décennies. Ses stratégies d’économie de suffisance et de développement durable ont déjà gagné du terrain dans les pays en développement d’Afrique, du Pacifique Sud et de l’Asie-Pacifique. La Thaïlande a présidé le Groupe 77 en 2016 et son principal objectif est de promouvoir les objectifs de développement durable des Nations Unies.
Pour l’avenir, la Thaïlande doit veiller à ce que ses ambitions en matière d’OCDE ne compromettent pas sa coopération avec ses amis et alliés du monde entier, en particulier avec Le Sud Global et les pays en développement avec lesquels la Thaïlande entretient des liens très étroits.